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Henry V, un film de Kenneth Branagh (1989)

Publié le par Jean-Yves Alt

Henri V fait partie de ce grand cycle des chroniques historiques shakespeariennes, dont les titres portent les noms des rois qu'elles évoquent (Richard II, Henri IV, V, VI, Richard III, etc.). Schématiquement, elles embrassent la lutte pour la couronne d'Angleterre, de la fin du XIVe siècle aux dernières années du XVe.

Dans cet épisode-ci comme dans tous les autres, ce qui est montré, à l'état pur, de façon absolument charnelle, c'est le pouvoir : le pouvoir, ici, a des yeux pour pleurer de rage ou de honte, des mains pour frapper, étreindre, des paroles sculptées, dans le vers élisabéthain pour galvaniser, séduire, bannir, flatter.

C'est cela qui est fascinant et bien restitué, dans ce film qui n'appartient à aucun genre préétabli (ce n'est ni du théâtre filmé, ni un « grand spectacle », ni une tragédie version cinéma) : cette matérialisation, dans le verbe, de la volonté de puissance, du désir de souveraineté.

Kenneth Brannagh (un des interprètes de Another Country, aux côtés de Rupert Everett) l'a compris, en adaptant ce drame au cinéma, sans toucher au « livret » et en incarnant lui-même le rôle du jeune monarque britannique. Gérard Depardieu sans doute également, en assurant le doublage du rôle-titre, et en s'assurant d'être convenablement entouré pour la version française.

Le foisonnement et la somptuosité de la langue trouvent leur équivalent visuel dans des images aux tons ocrés, dilués, comme sous les feux d'une rampe imaginaire, qui serait, en quelque sorte, l'éclairage onirique de la légende.

Henry V, un film  de Kenneth Branagh (1989)

Même pour raconter la bataille d'Azincourt revisitée par le génie shakespearien, il n'est pas facile d'être épique pendant plus de deux heures sans jamais sacrifier aux effets pompiers ou aux morceaux de bravoure « trompettes et confettis ». C'est pourtant ce à quoi parvient Kenneth Brannagh, préférant les plans rapprochés aux panoramiques, les anatomies aux foules et, dans les scènes de bataille, immobilisant les mouvements comme sur les « grandes machines » de la peinture classique, dans des ralentis extrêmement denses.

Cette stylisation, qui fait écho au maniérisme de la langue, est servie par le jeu très structuré de tous les protagonistes. L'action ne renvoie au plateau de la scène qu'à travers les intermittentes apparitions du narrateur (Derek Jacobi) dans le clair-obscur des coulisses d'un théâtre élisabéthain, propulsant l'imagination du spectateur, précisément, vers ce lointain « théâtre des événements ».

Reste à dire, pour finir, que le film « Henri V » est une pièce très belliqueuse, très mâle, un drame entre hommes et pour les hommes. Et, cela aussi, sans ostentation, Kenneth Brannagh l'a fort bien compris.

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