Belmont-sur-Mer, Richard Garzarolli
Surplombant le lac Léman, la colline de Belmont dorlote dans la verte prospérité suisse ses résidences luxueuses de bourgeois nantis. Dans celles-ci, une bonne quinzaine de personnages vont vivre, de la veille de Noël enneigée et candide au dégoulinage du printemps fondant, des passions et des tragédies.
Chapitre après chapitre, l'auteur campe chacun dans son milieu avec la patience, l'ironie et l'amour de l'entomologiste. Qu'y a-t-il donc dans cette fourmilière pour procurer ce bonheur de la lecture ?
La tragédie de la vie livrée là toute entière, dans ce huis-clos habile de belles maisons qu'un hiver rude isole. La passion du pouvoir, de l'argent, de la réussite sociale, vouée, selon la morale bien connue, au triomphe. La bonté désintéressée, la pureté des idéaux, des sentiments, valeurs dérisoires qui n'ont plus aucune chance...
Et puis, il y a l'amour, et le charme puissant des Frantz, Karim, Christine qui portent cette fleur rare dans le silence de glace. L'amour et les prénoms jouent une sarabande : Frantz et Karim s'aiment. Christine aime follement Karim, mais choisit, par amour de l'amour des deux garçons, d'y renoncer. Elle est aimée de Jean-Charles. Ginette aime Pierrot qui lui aime avec désespoir la figure symbolique du père. Boubou a cessé d'aimer John, pour Fernand le révolutionnaire. Lydie, la mère de Frantz, aime Jean. Pétra, délaissée, n'aime plus personne. Le lecteur les ramasse tous : Frantz et Karim font bien sûr, superbes et déchirés, les plus belles pages.
Leçon suprême : la finesse de l'analyse psychologique, sans jamais entraver une narration rigoureuse et trépidante, déshabille sournoisement la Suisse pudibonde, et à travers elle les sociétés de cette fin de XXe siècle.
■ Belmont-sur-Mer, Richard Garzarolli, Editions La Table Ronde, 396 pages, 1986, ISBN : 978-2710302902
Quatrième de couverture : Au rythme des tempêtes et du tambour de Stéphane, l'enfant magicien, la folie des passions troubles, la violence et la mort se déchaînent sur la radieuse colline de Belmont. Entre rêve et cauchemar, nous vivons six mois dans un quartier résidentiel qui surplombe le lac Léman. Tout y évoque le paradis terrestre : luxe feutré des villas sous les arbres, vue panoramique, pelouses bien tondues. Mais derrière les façades se nouent de silencieuses tragédies. De l'obsession des richesses et du pouvoir naissent la lâcheté, la corruption, la haine, capables d'écraser impitoyablement ceux qui tentent d'opposer à leur opportunisme l'amour, la vérité, ou simplement l'idéalisme inquiet de la jeunesse. Sous nos yeux des dizaines de personnages évoluent, se transforment ou se figent dans le silence d'une violence intérieure inouïe : adultes livrés à leurs batailles, adolescents découvrant les différentes formes du désir ou de la passion. Tous marchent vers un désastre inattendu qui dément une apparence d'ordre, de sécurité, de confort fondée sur une vision purement matérialiste du bonheur. Construit avec un art d'horloger de précision, ce roman nous fait vivre six mois dans l'Histoire de Belmont-sur-Mer : il vise moins à nous révéler les dessous d'une Suisse dont l'évolution actuelle passionne l'auteur de « Mémoires d'un carnassier », qu'à interpeller les sociétés évoluées, fondées sur une violence intérieure qui pourrait les conduire au désastre.