L'Androgyne, d'hier à aujourd'hui…
La source originelle du mythe florissant de l'Androgyne remonterait au discours prononcé par Aristophane dans le fameux « Banquet » de Platon au cours duquel six personnages prennent tour à tour la parole pour faire, en respectant les règles immuables de la rhétorique classique, l'éloge d'Eros.
Dans la mythologie gréco-romaine, l'Androgyne prend une importance exceptionnelle, ce dont témoigne magnifiquement l'art statuaire : le corps de l'homme possède la plénitude arrondie du féminin tandis que la stature des déesses suggère une puissance d'essence masculine.
La Renaissance italienne en ressuscitant l'art antique restitue cette superbe ambiguïté des corps. Il est bien difficile de déterminer le sexe des personnages peints sur les tableaux de l'époque préraphaélite.
Ainsi, au XIXe siècle Péladan considérait-il le Saint Jean-Baptiste de Léonard de Vinci comme « l'androgyne incomparable, plus énigmatique que le sphinx ». Il est vrai que le voile subtil qui noie les contours donne au corps et aux traits du visage une langueur et une mollesse toutes féminines.
Narcisse par Gustave Courtois (1853-1923)
Marseille, Musée des Beaux-Arts
On observe également une résurgence du mythe antique dans la littérature dite « décadente » de la fin du XIXe siècle et dans certains romans contemporains.
Avec Peladan et Oscar Wilde, l'androgyne renaît de ses cendres et, se conjuguant, à des fins esthétiques, avec l'hermaphrodite, connaît un curieux avatar : le « dandy ». La beauté du Dorian Gray de Wilde ou du Des Esseintes de Huysmans tient à ce qu'il y a en eux de délicatement efféminé, ce qui est un ajout à leur virilité. Le dandy atteint la plénitude idéale en réunissant une essence masculine à une forme féminine. Le roman de Dominique Fernandez « Porporino » offre à l'androgyne une nouvelle incarnation, celle d'un castrat italien du XVIIIe siècle.
Roberta, le footballeur transsexuel et féministe du « Garp » de l'Américain John Irving est une énième mutation du mythe primitif.
Autrefois extérieur à l'homme, l'androgyne représente aujourd'hui une recherche intérieure, un but à atteindre, les catégories sexuelles préétablies s'étant affaissées. Rien d'étonnant à ce que Mick Jagger et David Bowie aient osé mettre en scène l'androgyne en lui redonnant – en devenant des stars adulées – son statut ancien d'idole.