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Retour à Brideshead, Evelyn Waugh

Publié le par Jean-Yves Alt

Réservé, cultivé, doté d'un humour en demi-teinte, parfois féroce, toujours nostalgique, Evelyn Waugh (1903-1966) possédait la qualité de self-control, le goût sélectif, une curiosité cosmopolite entretenue par les voyages et par des séjours dans des pays étrangers. Il était secret, sensible et pudique. Il avait sans doute été marqué par son éducation anglaise du début du XXe et portait le poids des contraintes et des codes victoriens. Pesanteur historique qui donne à son œuvre la force et l'envoûtement des textes écrits dans le désir salvateur d'échapper (du moins par la fiction) au carcan de la morale.

Evelyn Waugh surprend par l'acuité de ses observations et de ses analyses.

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, Charles Ryder, un capitaine anglais, se rappelle son amitié avec un camarade d'université, Sebastian Flyte. Ce dernier, un dandy homosexuel issu d’une famille aristocratique et catholique, avait, avant la guerre bouleversé la vie de Charles en le faisant entrer dans son monde et dans sa famille.

« Il était magnifiquement beau, de cette beauté épicène qui, dans l'extrême jeunesse, appelle à voix haute l'amour et se flétrit à la première bise [...] Je connaissais Sebastian de vue bien avant de le rencontrer. C'était inévitable car, dès la première semaine de son séjour, il apparut comme l'homme le plus remarquable de son année, en raison de sa beauté, qui saisissait, et des excentricités de sa conduite qui semblaient sans limites. Je l'aperçus pour la première fois sur le seuil de Germer ; ce jour-là, je fus frappé non tant par sa mine que par le fait qu’il portait un énorme ours en peluche. » (p. 59)

Retour à Brideshead, Evelyn Waugh

« Retour à Brideshead » reste le roman exemplaire né de la nécessité vitale de préserver ce qui, remémoré longtemps après, semble l'expérience capitale d'une vie : les premières amours. Roman romanesque et intime, Brideshead (le château) devient le lieu des métamorphoses et fait renaître les passions et les amitiés, le frère et la sœur.

Sebastian (prénom intensément poétique... pensons au héros de Tennessee Williams dans « Soudain l'été dernier »), est le médiateur, celui par qui le monde affectif et sensuel s'éclaire mais aussi celui qui dévoile les terres incertaines du désir quand l'aveu d'amour est innommable, une vénération plus ample de sa propre jeunesse et son multiple reflet dans la beauté de l'ami.

Un très beau roman-souvenir.

■ Retour à Brideshead, Evelyn Waugh, traduit de l'anglais par Georges Belmont, Editions Robert Laffont/Poche, 616 pages, 2005, ISBN : 978-2221103838


Présentation : Invité à Brideshead, la magnifique demeure familiale de son ami Sebastian, le jeune Charles Ryder, étudiant à Oxford, découvre les mœurs et l'art de vivre de l'aristocratie anglaise. C'est au travers de cette grande fresque, se déroulant durant les "années folles" et enluminée de personnages plus excentriques les uns que les autres, que le grand Evelyn Waugh s'est juré de "suivre les cheminements de la volonté divine au sein d'un monde païen". Humour, cynisme et gravité mêlés font de ce roman, le plus célèbre de l'auteur du Cher Disparu et d'Une poignée de cendres, un des plus purs chefs-d'œuvre de la littérature anglaise du XXe siècle.

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