Le garçon aux chiens, Linda Amyot
Adrien Morel (le narrateur) va régulièrement promener les deux chiens (Nelson et Marquez) des Thériault, un couple de septuagénaire qui habite près de chez lui à Montréal. Adrien vit avec sa mère divorcée depuis 4 ans. Il a un frère plus âgé que lui, Jules. Il a aussi une petite amie, Laura.
Adrien a 17 ans. Cela fait quatre ans qu'il n'a pas vu son père. Et, une invitation de ce dernier arrive à la maison. Ce qui le met profondément en colère car il ne veut plus jamais entendre parler de lui.
Il faut préciser que tout allait bien pour le jeune garçon jusqu'au jour où un événement au collège va profondément le perturber et rendre impossible toute relation avec son père qui vit à Toronto depuis son divorce. Auparavant le père d'Adrien était professeur de français dans le même collège que son fils. Il n'a jamais entendu les insultes subies par son fils : « fif », « feluette ».
Tout cela parce des élèves du collège ont vu son père sortir d'un bar gay.
Alors, aller rendre visite à son père à Toronto qui vit maintenant en couple avec Samuel, il en est hors de question.
Le personnage homosexuel de ce roman n'en est pas le centre ; Linda Amyot s'intéresse surtout aux remous des autres qu'à ceux du personnage homosexuel lui-même, car c'est l'homosexualité du père qui a d'abord agi sur le comportement des deux fils et de la mère.
Il faudra tout le talent de sa mère et de son frère Jules, ainsi que les confidences de Laura, pour qu'Adrien accepte de partir pour Toronto et enfin revoir son père et surtout lui parler.
— C'est drôle : quand t'étais petit, t'avais peur des chiens...
Je lui ai jeté un coup d'œil, ébahi. Peur des chiens ? Non, je n'ai jamais eu peur des chiens. Il devait confondre avec Jules.
— Tu te rappelles pas ? C'est vrai que t'avais quatre, cinq ans. Avant, t'avais pas peur. Mais après l'incident avec le chien du nouveau voisin, tu paniquais dès que t'en voyais un.
Le souvenir est remonté. De plus en plus net. La porte de la maison d'à côté qui s'ouvre. Le berger allemand qui s'élance vers moi. Les aboiements. Qui se rapprochent de plus en plus. Le vélo neuf qui tombe. Une voix d'enfant qui crie. Des pas de course sur l'asphalte de l'entrée. Une autre voix qui appelle. Hurle quelque chose. Des bras qui me soulèvent.
[…] J'étais accroché au cou de mon père. Pleurant. Terrifié. Le chien qui n'arrêtait pas de japper, retenu en laisse par son maître. Qui ne cessait de répéter que son berger allemand n'était pas méchant. Juste nerveux. Et pas habitué avec les enfants. […]
— A un moment, j'ai cessé d'avoir peur. Je sais pas comment ça se fait.
— Pendant longtemps, tu te pendais après moi dès qu'il y en avait un dans les parages. Chaque fois, je te prenais par la main. Je m'approchais pour que le chien te sente. Pour que tu apprivoises ta peur. Ça a fini par s'estomper. Pis après, ben, ton ami Hugo avait un épagneul... […]
J'ai souri. Jules et Samuel étaient partis pour la tour du CN plus tôt en matinée. Je m'étais réveillé tard. Assommé par trop de vin. Trop de pâtes et de tarte aux bleuets. Trop d'émotions emmêlées. Mon père m'avait attendu pour aller aux îles. On est restés un moment à siroter notre café sans trop parler. J'ai repensé au berger allemand des voisins. Et à Nelson et Marquez. J'ai compris que mon père avait bien fait, pour les chiens. J'ai aussi pensé que c'était comme avant. Quand on attendait maman et Jules. Et qu'on était juste bien ensemble tous les deux. […]
On avait beaucoup de choses à se dire. Entre deux silences. Ça prenait du temps. Alors, on a refait le tour.
« Le garçon aux chiens » possède une écriture qui vibre d'émotions, une émotion essentielle dans les retrouvailles d'un père et de son fils. Un beau sujet que cet amour paternel que seule une certaine pudeur de l'écriture pouvait aussi bien dessiner dans sa pureté.
La rencontre reste le moment le plus délicat des rapports humains ; un lien tout à la fois fuyant et désiré, tout aussi important que la considération, l'estime, le respect qui sont si difficiles à dire et à écrire...
■ Le garçon aux chiens, Linda Amyot, Montréal, Editions Leméac Jeunesse, 14 février 2018, 115 pages, ISBN : 9782760942325, 11€