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Une mort obsédante, Ruth Rendell

Publié le par Jean-Yves Alt

Ruth Rendell se met dans la peau d'un homme en livrant l'intimité d'un assassin occasionnel : un jeune homme qui tue son amant et sombre dans la peur.

Tout au long de cette « Mort obsédante » et du long journal intime de son héros, Tim Cornish, Ruth Rendell plonge le lecteur dans les angoisses les plus intimes et les plus déchirantes d'un jeune Anglais de 26 ans, confronté au souvenir des trois années qu'il vient de vivre. Étudiant brillant, il se voyait déjà romancier quand le voilà soudain épris d'un paléontologue d'âge mûr avec qui il se lance sur des sentiers dangereux.

« La pédérastie la plus triviale et la plus effrénée y avait cours en permanence – c'était un simple moyen de se soulager, une manière d'hygiène corporelle, du même ordre que la défécation. Et il n'y avait absolument rien de romantique derrière tout ça – pas de baisers ou de caresses préliminaires, par exemple, ni même de dialogues entre les partenaires. On se contentait sans la moindre pudeur d'échanger un signe ou un mot tenant lieu de code, et l'affaire était dans le sac. »

Mais la passion peut vite se transformer en haine, surtout quand une femme s'en mêle, quand on a besoin d'argent et quand on ne sait pas très bien qui on est. Au cours d'un voyage en Alaska, Tim assassine son amant et va se réfugier, seul, en Angleterre. Personne ne se doute du crime, mais les remords l'assaillent jusqu'à l'obsession. Et Tim, peu à peu, croit devenir fou quand lui arrivent, venues d'Amérique, des lettres anonymes relatant des naufrages et des survies miraculeuses sur des îles inhospitalières. Qui donc est au courant du crime de Tim, et qui est vraiment Isabel, dont il a cru être amoureux au point de tuer pour elle ? Un double rebondissement le dira, mais Tim n'en sera pas pour autant apaise.

« Lorsqu'on a commis un crime et que quelqu'un d'autre l'a découvert, lorsqu'on réalise que ce crime n'est désormais plus un secret, il devient brusquement plus concret, plus réel. Ce n'est plus un simple produit de l'imagination, le fruit d'un cerveau dérangé. On ne peut plus se dire qu'il s'agit d'une erreur. »

Une mort obsédante, Ruth Rendell

Le grand art de Ruth Rendell, c'est de pénétrer l'âme humaine et – ici l'âme masculine – dans sa complexité et sa noirceur la plus intime, et en mêle temps de créer, mieux qu'un suspense policier, un malaise lancinant comme si le mal de vivre et d'aimer de Tim étaient contagieux. Comme si ses contradictions, ses déchirements et ses bassesses pouvaient être les nôtres. On le déteste, on le méprise sans jamais douter de sa vérité, parfois même on est saisi d'une étrange et trouble sympathie qui ferait presque dire : "et si c'était moi ?"

■ Une mort obsédante, Ruth Rendell, roman traduit de l'anglais par Pierre Ménard, Éditions Calmann Lévy, 1996, 376 pages, ISBN : 9782890771505


Du même auteur : Ces choses-là ne se font pas - La gueule du loup - Une amie qui vous veut du bien - Un amour importun

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