Les hantises de Soungouroff
Antonin Ivanovich Soungouroff (1911-1982) était un peintre qui refusait l'abstrait ; peut-être pour ne pas échapper à ses hantises : celles des visages.
De même que Renoir, il était – en effet – obsédé par le contour des visages ; sans cesse il reprenait les mêmes traits, les mêmes lèvres ourlées, les mêmes prunelles veloutées, non pour aboutir à la monotonie, mais pour traduire, peut-être, de mieux en mieux et plus profondément, un secret.
« Mes gitans, mes pêcheurs, mes adolescents sont seuls, comme absents et lointains, je le reconnais. Même pour moi qui suis gay, qui déteste les noirceurs comme la laideur, cela reste une énigme. Mais du moins ils sont beaux. On prétend que la beauté manque de caractère. Je ne trouve pas. Il suffit de savoir traduire en quoi elle est significative. »
Soungouroff, né en Russie et qui perdit ses parents lors de la Révolution, fit ses études dans un collège d'Istanbul, en Égypte et en Bulgarie. Après quoi, ce furent les Beaux-Arts à Paris.
Son œuvre lui est aussi, inspirée par des garçons du port, des ragazzi romantiques et pensifs. Leur côté musclé et finement solide n'empêche jamais la nostalgie de les envelopper.
Qu'attendent-ils, tous ?
L'amour, le départ, la liberté, ou l'éclaircissement de leur propre énigme...
Il est étrange que Soungouroff, d'origine slave, étant donnée son enfance cosmopolite de précoce voyageur, se soit voué à une prédilection aussi nette, sans choisir de traduire le puzzle de ses souvenirs : représenter à peu près toujours le même faciès, un seul regard.
Cela prouve-t-il qu'il avait trouvé la clé de la sagesse et de l'idéal ?
Des œuvres de Soungouroff sont en vente à la galerie parisienne de Nicole Canet « Au Bonheur du Jour »