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Les roses de Pline, Angelo Rinaldi

Publié le par Jean-Yves Alt

« Les Roses de Pline » est le roman du temps et de la mort, temps incarné par une femme, celle qui donne l'amour et, à l'image de la littérature, sauve de l'oubli.

Ce qui grandit l'homme, c'est la vision précise de sa tombe. Et il n'est pas indifférent qu'une des séquences de ce roman se situe au Père-Lachaise, là où s'achèvent majestueusement les destins les plus éclatants, là aussi où viennent errer les chercheurs d'absolu, les marginaux du sexe, les fous de l'obsession...

Ce roman (comme les autres de cet auteur) est tramé entre le lieu de l'enfance (une maison, magnifique, château de solitude et de bonheur) et les environs de la mort, ses antichambres (cafés, chambres de passage, boîtes de nuit, saunas...) : un voyage en suspension comme si la vie, passé le miroitement fabuleux des jeunes années, n'était que mémoire ressassée, vol plané d'un désintéressement pour ces hommes et ces femmes qui s'agitent désespérément afin d'oublier que tout est déjà dit et que rien ne va plus.

Il y a dans « Les Roses de Pline » la présence forte d'une femme : Rose, cousine-tutrice du narrateur qui lui voue un amour sans faille, un amour hors mesures (dans tous les sens du terme puisqu'il n'a pas à être « mesuré » à celui de la mère, et se donne dans la totalité de la gratuité), un amour que le héros ne retrouvera jamais chez les femmes, un amour que les homosexuels qui traversent le récit évitent d'assumer par tous les stratagèmes possibles, de peur justement d'oublier l'amour infini qui les hante et les projette, pour mieux assurer leur refus, vers la fascination des corps, une illusion d'optique sacralisée et sans recours.

Les roses de Pline, Angelo Rinaldi

« Les Roses de Pline » est le roman d'un homme inachevé, un homme sans famille et sans certitudes. Inachevé par choix, ayant goûté tout le suc de l'amour grâce à Rose qui l'aime jusqu'à le préparer tout enfant à cette liberté qui transforme la solitude en bienfait.

Cette solitude apparente, physique en quelque sorte, permet une double conquête : ne pas quitter l'imaginaire et par là même l'enfance, s'oublier dans l'observation des autres qui est la manière immédiate de ne pas tricher avec le temps.

Le récit se situe à la fois dans Paris où le narrateur attend Rose et dans cette île méditerranéenne où furent gravés les signes définitifs de sa vie. On pourrait dire qu'il n'y a plus de présent tant il est absorbé par la mémoire. Les gens rencontrés à Paris n'existent que comme réminiscences d'autres visages ou comme preuves du vieillissement et des métamorphoses de ceux seulement entendus pour ne pas avoir à les aimer.

Ce roman est une tentative d'épuiser le réel dans ses moindres détails pour extirper une philosophie de l'existence contre la difficulté d'être, sagesse sans Dieu qui exploite jusqu'à ses plus lointaines limites la faculté de se souvenir. Se souvenir à travers une succession de signes qui sont autant de remèdes aux fluctuations de la vie.

L'homme écrit et reconstruit un monde, le sien, un monde où la cruauté, la souffrance, le désir et l'inévitable désespoir prennent leur place dans la cérémonie de la mort : vivre n'est finalement pas vain.

« Les Roses de Pline » est, au-delà de son amère lucidité, le chant victorieux d'un homme qui, très tôt, affronte l'image de la mort, la meilleure façon de pactiser avec la vie quand l'enfant a la chance de se souvenir d'un unique amour.

■ Les roses de Pline, Angelo Rinaldi, Éditions Gallimard, 336 pages, 1987, ISBN : 978-2070710980


Du même auteur : La dernière fête de l'Empire - Les Dames de France - Les jardins du Consulat


Présentation : Après la mort de ses parents, le narrateur encore adolescent se retrouve maître de la Villa des Palmiers où fleurissent des roses semblables à celles décrites par Pline l'Ancien. Vingt ans plus tard, alors qu'il a quitté son île natale et que la propriété a été vendue, il est rappelé à ses souvenirs par l'avis de décès d'une jeune fille et par l'annonce de l'arrivée de Rose, la cousine qui le gardait autrefois. Rose est malade, pressée par le temps. Elle veut faire surgir la vérité dissimulée sous la fable qu'elle-même avait jadis entretenue. Présent et passé, dès lors, s'entrecroisent. Les paysages de l'île et ceux de Paris, les personnages d'hier et d'autrefois, se superposent selon le procédé familier au romancier. Mais il importe peu au narrateur de démêler le vrai du faux. Sa part d'éternité reste l'amour reçu et donné, et, pour lui, il y aura toujours, quelque part, un coin où refleuriront les roses.

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