Mémoires du baron de Besenval sur la cour de France
Le sublime début de « La Princesse de Clèves », célébrant l'éclat de la galanterie à la cour du Roi-Soleil, pourrait encore servir d'exergue aux « Mémoires du baron de Besenval », témoin des deux derniers règnes de la monarchie absolue : cent après, on prend les mêmes et on recommence, avec en plus un zeste de libertinage !

Est-ce à dire qu'il faille y chercher un document historique et une peinture sociologique d'une objectivité sans faille ? Au vrai, si la conception de l'histoire aujourd'hui a des exigences qu'elle n'avait pas il y a deux cents ans, elle ne néglige pas pour autant l'importance des sources que représentent les Mémoires de madame de Motteville pour la Fronde, ou celles de Saint-Simon pour le règne de Louis XIV.
De fait, c'est souvent à ce grand mémorialiste que Besenval fait penser : même subjectivité, même acuité d'un regard qui transperce les cloisons des compartiments secrets d'une époque surannée.
Ce mondain qui a lu Voltaire, ce baron bardé de préjugés, est sensible à l'idée de progrès, et lucide, dès la mort de Louis XV, aux signes avant-coureurs de la Révolution ; car la première Révolution, on ne le dit pas assez, fut aristocratique.
Amateurs des amours des femmes de France, de celles des marquis à poils et à plumes de l'Ancien Régime, ce livre est fait pour vous. Vous partagerez l'engouement de Besenval pour celle qui envoûta la plupart de ses contemporains : Marie-Antoinette ; retrouvez-la dans un décor à la Lancret, démasquez les Axel de Fersen, qui abritent dans des bosquets à l'anglaise leurs passions illicites. Palpitant !
■ Mémoires du baron de Besenval sur la cour de France, Mercure de France/Le Temps retrouvé, 592 pages, 2011, ISBN : 9782715231764
Fils d'un colonel des Gardes-Suisses et d'une cousine de la reine de France Marie Leczynska, le baron de Besenval est né en 1721. Il entre à dix ans au régiment des Gardes-Suisses. En 1758, au début de la guerre de Sept Ans, il est maréchal de camp et devient par la suite inspecteur-général des Suisses et Grisons, charge dont il se démettra à la disgrâce de Choiseul. La faveur de Besenval augmente à la cour après la mort de Louis XV. Courtisan raffiné, brillant causeur, Besenval devient l'un des commensaux favoris de la reine Marie-Antoinette. En 1789, il est commandant militaire de l'Ile-de-France et de la garnison de Paris, et le 12 juillet, il décide de "retirer les troupes et de livrer Paris à lui-même". Après un long emprisonnement, il est déféré devant le Châtelet pour crime de lèse-nation. Il est acquitté, mais sa santé est ébranlée et il meurt le 2 juin 1791. Les gens d'esprit ne meurent jamais tout à fait. Pendant les vingt dernières années de l'Ancien Régime, Besenval a été à la fois sur la scène et dans les coulisses, observateur caustique des mœurs du temps et, surtout, témoin lucide du déclin de la monarchie française. C'est ce qui fait tout le prix de ces Mémoires, appréciés par le prince de Ligne et par Stendhal.