Mon regard sur le « saint Sébastien » de François-Xavier Fabre
J'imagine ce Sébastien au fond d'une chapelle éclairée d'une lumière crépusculaire, embrumée d'encens…
Je vois aussi certains hommes agenouillés devant lui, s'abîmant ou plutôt se pâmant dans le remords d'une culpabilité distillée avec une exquise minutie.
Je devine que ce martyre – ainsi figuré – constitue/ait l'essence même des rêveries de ces hommes, fascinés par ce profil grec au regard empli d'une joie trouble.
Ce Sébastien à la beauté rayonnante, qui s'offre/ait, non sans ironie, à la dévotion de ces hommes, présente une sacrée ambiguïté : il incite moins à la prière qu'à favoriser des hallucinations de toutes sortes.
François-Xavier Fabre – Saint Sébastien – 1789
Huile sur toile – 196 cm x 147 cm – Musée Fabre Montpellier
Pourtant cette iconographie de Sébastien m'interroge sur l'essentiel. Derrière cette agonie terrestre (d'ailleurs fausse ; Sébastien étant percé d'une seule flèche non mortelle ; par contre l'arbre derrière lui annonce le martyre fatal...), je retrouve, de concert, la force érotique et le sacré qui consent à accueillir la mort.
Car ce qui va tuer Sébastien, c'est certes sa foi, affirmation d'un ordre mystérieux. Mais aussi et surtout l'acceptation de sa mort…
Paradoxalement, ce tableau délivre du sortilège du seul plaisir et ouvre vers une conciliation possible entre chair et sacré.
François-Xavier Fabre invite à refuser le Sébastien agonisant : il pose picturalement la question essentielle :
Vaut-il mieux rêver de sa mort ou risquer de la vivre ?