L'aube, un film de Miklos Jancso (1986)
Le cinéaste hongrois Miklos Jancso aime les sujets forts. Celui de L'Aube, très librement inspiré d'un roman d'Elie Wiesel, l'est particulièrement.
A l'époque où l'armée britannique occupe la Palestine, le jeune résistant juif Elisha est désigné pour exécuter un officier de Sa Majesté pris en otage : une exécution qui doit répondre à celle d'un jeune terroriste juif par les Anglais.
Elisha a toute la nuit pour se préparer à tuer ; l'officier Dawson dispose des mêmes heures pour se préparer à mourir : l'heure précédant l'aube mettant face à face la victime et son bourreau.
Il faut bien sûr se rappeler les circonstances historiques de ce terrorisme juif en Palestine, et dont c'est le problème moral qui est ici posé, à travers la crise de conscience vécue par Elisha, à qui reviennent les images des victimes de sa propre famille pendant le conflit mondial.
Le film est la courte histoire de son refus révolté de donner la mort, jusqu'à la justification de cet acte par lequel Israël, symboliquement, devient un peuple comme les autres.
En luttant pour devenir Etat, le sionisme use des armes banales et terribles de la violence dont les Juifs, depuis les débuts de la diaspora, avaient laissé aux autres le triste privilège.
Jancso met superbement en relief les déchirements intérieurs d'Elisha, son sens de la morale violé par une raison d'Etat qui le dépasse et au service de quoi il a été enrôlé presque malgré lui.
Redjep Mitrovitsa et Michael York dans « L'Aube »
L'Aube est un film tragique, bouleversant, austère et beau, comme ces visages de jeunes gens merveilleusement captés par le cinéaste dans leur innocence et leur douleur.