Mon regard sur une représentation de saint Sébastien dans un vitrail (Colmar)
Le cloisonné des vitraux, s'il fragmente l'image représentée, peut aussi, de cette manière, mettre en valeur certaines parties, voire les opposer comme dans ce Sébastien du début XVIe.
Ce qui me frappe, tout d'abord, c'est la sérénité de son visage soigneusement isolé.
Ensuite m'apparaît son corps dont les attributs triomphants sont totalement absents :
♦ Torse recouvert d'innombrables bubons évoquant la mort noire que connut l'Occident au milieu du XIVe siècle.
♦ Jambes décharnées rappelant celles d'un vieillard.
Le saint ne se fait pas homme viril : aucune beauté apollinienne n'a sa place ici.
Les flèches nombreuses ne sont nullement anodines : elles transpercent son torse en de nombreux impacts, annihilant totalement l'idée d'un torse antique…
Comme toujours, seulement quelques gouttes de sang viennent tacher son corps. Ce sang ne coule pas pour mes yeux. Seules les flèches imposantes et grossières agressent mon regard visant à détruire un éventuel regard coupable que je pourrais encore avoir sur ce saint.
Saint Sébastien – Vitrail de l'ancienne église de Wihr au Val – début du XVIe
Vitrail conservé au Musée d'Unterlinden, Colmar
Retour sur son visage : épargné ! Il est « l'instrument » de l'âme. A travers lui, et, lui seul, la mort s'évanouit.
Dans sa bulle matérielle (du fait de son isolement dû à la technique du vitrail) et spirituelle, Sébastien ne m'a pas aperçu.
Aucun lien trouble entre lui et moi. Il attend, avec une joie certaine, les rayons de lumière, quotidiennement renouvelés, signe de son avenir éblouissant.