Mon regard sur une sculpture de saint Sébastien à Kaysersberg (fin XIXe)
À voir le regard en extase de ce Sébastien, je me dis que les flèches reçues sont celles d'Eros.
Si sa main droite relevée n'était point attachée, je ne doute pas qu'il la tiendrait sur son cœur.
Ce Sébastien m'apparaît pâmé dans sa vision de l'amour.
… amour divin, bien entendu.
Son corps est bien en chair : son ventre, bien nourri, suggère une ambiguïté féminine renforcée par la finesse des traits de son visage et par sa chevelure aux légères boucles blondes.
Son pagne avec ce gigantesque nœud de côté m'évoque le Sébastien peint par Giovanni Cariani.
Toutefois, ce Sébastien n'est pas ambigu : ce n'est ni un travesti, ni un adolescent vicieux.
Saint Sébastien, sculpture anonyme, fin XIXe (?)
Plâtre ou terre cuite polychrome, Kaysersberg, Église de la Sainte-Croix
Si j'ai laissé vagabonder mon imagination – fortifiée par cette vue en contre plongée – et rêvé une seconde une pose offerte, c'est à cause de la petitesse, sur le devant, de son pagne : non ! ce Sébastien est à mille lieues d'un strip-tease. Rien ne frémit sous le tissu !
En s'exposant de la sorte, il ne fait que le lien entre le dieu du ciel et le dévot qui prie. Il rappelle que la contemplation passe aussi par le sacrifice du corps :
« Ceci est ton corps. Ceci est ton sang. »