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1790 : défense de l'anti-physique par M. De Noailles

Publié le par Jean-Yves Alt

Messieurs,

L'anti-physique, que ses détracteurs ont appelée dérisoirement bougrerie, et que l'ignorance des siècles avait fait envisager jusqu'à nos jours, comme un jeu illicite de la lubricité, et que les jurisconsultes nomment Bestialité, sera donc, à l'avenir, une science connue et enseignée dans toutes les classes de la Société.

Grâce aux lumières de la philosophie, les temps sont encore bien changés ; nous n'aurons plus la honte de voir l'Italie marcher glorieusement seule, vers sa perfection dans cette science : puisque la nature nous a donné toutes les connaissances requises, pour en faire connaître les premiers et les principaux éléments, c'est à nous d'user des moyens les plus sages et les plus mûrement réfléchis, pour en hâter les progrès dans cette contrée que nous habitons ; et pour y parvenir, Messieurs, la plus importante des opérations est d'anéantir jusqu'aux moindres vestiges des préjugés, qui, de tout temps, se sont efforcés de nous détruire, et ont fait dans Ordre, des martyrs dont nous regretterons à jamais la perte.

La barbarie des Loix criminelles nous a enlevé Urbin Grandier, Duchaufour (1), et mille et mille autres ; la jalousie nous a dispersés quantité de fois ; la liberté nous réunit ; faisons-en un noble usage ; instruisons toute la terre, que les grands hommes ont, pour la plupart, été des anti-physiciens, et que cet Ordre fameux et illustre peut aller de pair, par le nombre et la qualité, avec ceux de Malte et du Saint-Esprit.

Apprenons donc aux siècles à venir, à révérer les mânes des infortunés qui ont succombé sous les efforts de la tyrannie féminine, et à ne plus voir dans leurs fins tragiques, que des assassinats... Pour moi, Messieurs, je l'avouerai sans vanité, pénétré des douceurs ineffables que m'ont procuré les jouissances attachées à cet Ordre, je m'en suis toujours montré le plus zélé partisan. La religion armée de son fouet politique, a prétendu en vain nous châtier, d'avoir pénétré dans le plus doux de ses mystères : son Législateur lui-même, animé du plus tendre penchant pour son petit cousin, ne nous a-t-il pas conduits, tous, tant que nous sommes, dans le sentier de la lumière ? Et ne nous a-t-il pas indiqué les premiers éléments de ce goût, que les sots traitent de monstrueux et de bizarre, mais dont nous avons reconnu l'essence divine.

Ne m'accusez pas, Messieurs, d'afficher une vaine gloire, si je retrace ici ce que j'ai pu faire pour l'Ordre, et combien de créatures je lui ai attaché. Oui, partout je me suis déclaré l'infatigable précurseur des rebelles aux lois sentimentales de notre institution. J'ai conquis ma livrée et ses alentours ; j'ai bougrifié mes vassaux tant que je l'ai pu ; j'ai sodomisé ma femme, ma nièce, et j'ai introduit la cheville ouvrière jusque dans le fondement de mon Palefrenier ; enfin, de tout ce qui m'entourait, j'ai fait autant de Bougres, de Bardaches, Bardachins, Bardachinets ; voilà mes garans. J'y ai ajouté celui de démontrer que le Concubinage n'était pas plus naturel que l'Anti-Physique, et que puisqu'il est de l'essence de tout homme libre de pouvoir tout ce qu'il veut, il doit être libre à chacun d'approfondir plus ou moins cette matière.

Je ne doute pas, Messieurs, que les Membres de cette auguste Assemblée ne soient parfaitement d'accord sur tous les points et les principes que je viens d'établir ; mais, suivant mon sentiment, il ne nous reste plus qu'à les ériger en Lois, pour les faire connaître et respecter sur la terre des Francs, et probablement en faire adopter la Constitution à l'Assemblée Nationale, parmi laquelle nous comptons tant des nôtres, pour l'annexer à celle qu'ils cherchent à retirer du sein des ténèbres.

De Noailles


(1) En fait il s'agit de Deschauffours, brûlé en 1726 pour sodomie !


Lire aussi : 1790 : Révolte chez les sodomites

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