Un sang d'aquarelle, Françoise Sagan
Dans les années noires de l'Occupation, un cortège d'amours contrariées et de destinées qui s'éclairent…
Constantin von Meck a tout pour être heureux : metteur en scène aussi célèbre pour ses excentricités que pour ses films, séduisant, charmeur, amateur d'hommes autant que de femmes, il a en plus ce goût du bonheur qui en fait un optimiste impénitent.
Pourtant, en 1937, à la suite de l'échec d'un film qu'il vient de tourner au Mexique et du départ de sa femme, la star des stars, Wanda Blessen, il décide de quitter Hollywood pour rejoindre son Allemagne natale, et, en réponse à une offre de la U.F.A., y tourner une adaptation de Médée.
Négligeant le national-socialisme et ne voulant rien savoir de ce qui se passe réellement autour de lui, il devient néanmoins le protégé de Goebbels et se met à tourner une série de comédies distrayantes, de moins en moins ambitieuses et aussi peu politisées que possible.
Lorsque le roman commence, en 1942, Constantin est en train de terminer une de ces bluettes intitulée Les Violons du destin. Un premier incident à la fin du tournage (l'arrestation de ses deux techniciens juifs à qui il avait fourni de faux papiers) lui ouvre tout doucement les yeux. Un second (la vision d'un corps affreusement torturé à l'hôtel de la Gestapo où il était venu, justement, réclamer la libération de ses deux techniciens) le met encore davantage face à la réalité.
Mais ces deux événements ne suffisent pas à lui faire prendre pleinement conscience et à le remettre en question : ils l'amènent juste à réagir de manière instinctive, en frappant violemment le général Bremen, un des chefs de la Gestapo.
La véritable prise de conscience, c'est quelques mois plus tard, en Provence – où Constantin von Meck s'apprête à tourner une adaptation de La Chartreuse de Parme – qu'elle va avoir lieu. Là, entouré de Boubou Bragance (une mondaine qui flirte avec l'occupant), de Romano (son jeune amant gitan qu'il fait passer pour un cousin éloigné), de sa femme (revenue, pour l'occasion, interpréter le rôle de la Sanseverina) et de quelques autres acteurs, cet aveugle volontaire va peu à peu se rendre compte de ce qu'il est devenu.
La découverte, dans un village avoisinant, de corps brûlés par les Allemands achèvera de lui faire prendre sa décision et dès lors, ce ne sera plus un sang d'aquarelle qui coulera dans ses veines, mais un sang d'homme fort, décidé, enfin maître de son destin...
Vivacité du style, sens de la formule, notation juste et pertinente, toutes les qualités d'un bon roman.
Ce qui séduit, en plus, dans Un sang d'aquarelle, c'est l'histoire d'amour entre Constantin et Romano : véritable clef du récit, fil conducteur, qui en sera aussi la conclusion logique.
■ Un sang d'aquarelle, Françoise Sagan, éditions Gallimard/Folio, 1989, ISBN : 2070381420