Apprend-on à mourir ? par Severo Sarduy
Ce qu'on nous a concédé sans que l'ayons demandé, nous est arraché, alors que nous en jouissions, comme si le réclamait, intransigeant, son possesseur.
Que faire ? Implorer des délais ? Supplier pour des quignons de vie qui tôt ou tard disparaîtront, finiront dans le pourrissoir ? S'acharner à guérir ou à rechercher des solutions alternatives offertes par des médecines plus ou moins mythiques ?
Non. La seule réponse de l'homme, la seule qui peut se mesurer, par sa désinvolture, avec la volonté de Dieu, c'est le mépris : considérer ce don précieux, comme sans importance et dérisoire : comme ce qui va et vient. Sans autre forme d'évaluation.
Il reste aussi, cela va sans dire, une autre solution. Précipiter la restitution de la vie ; choisir le lieu et la façon de la rendre sans le moindre remerciement, ni le moindre théâtre.
Severo Sarduy
■ in Les oiseaux de la plage, éditions Gallimard/Nouvelle Croix du Sud, 1994, ISBN : 2070738507, pp.126-127