Les collines nues, Maurice Périsset
Un roman riche en univers secret et en qualité de mystère psychologique où le drame naît lentement de la tension qui s'établit entre les personnages.
Un cinéaste âgé et veuf, Marc Duperry, vient s'isoler dans sa propriété provençale, prostré dans la mémoire douloureuse du suicide de son fils. L'intrigue feutrée naît de la brusque irruption d'un jeune homme séduisant dans la vie du solitaire.
L'homme âgé est censé aimer les femmes mais se trouble quand il découvre l'attachement du jeune homme. Il croit s'émouvoir de l'intrusion de Cyrille parce qu'il lui rappelle Stéphane le fils décédé. Mais il comprend que cette attirance passe par la chair. N'est-il pas jaloux de son plus proche collaborateur, Serge, qui le rejoint et dévoile, lui aussi, une vie privée peu orthodoxe ?
L'homosexualité qui traverse ce roman se joue sur deux plans :
Côté voyeur, un homme âgé regarde l'amour de deux hommes, s'en émeut mais l'inscrit très simplement dans la beauté générale du désir et de l'amour.
Côté confusion des sentiments, un homme au crépuscule de la vie, brûle d'un dernier amour pour un garçon, nostalgie de sa propre jeunesse mais plus profondément volonté de se nourrir d'un être plein d'avenir.
Cet homme de la soixantaine met son passé entre parenthèses pour accueillir, sans culpabilité, la passion nouvelle qui bouleverse sa vie.
Dans ce roman, il y a une énigme. Pourquoi le cinéaste tente d'élucider les raisons, de la mort de son fils et de la présence de Cyrille, caché dans sa propriété ?
EXTRAIT : Puis, s'absorbant dans la contemplation de sa fourchette, qu'il [Serge, l'assistant de Marc Duperry] tournait dans son assiette :
— Ça ne m'était jamais arrivé. Dès que je l'ai vu, j'ai pensé que c'était moi qu'il attendait, qu'il avait besoin de moi, que je lui étais nécessaire... Ce qu'on peut être con, parfois...
— On ne t'a jamais dit qu'il y a des êtres qui ne supportent pas les passions qu'ils suscitent ?
— Je ne voudrais pas...
Serge s'est interrompu. Il a mangé silencieusement pendant quelques secondes, puis il a murmuré, comme s'il se parlait à lui-même :
— Ma vie sentimentale, vous savez... Des échecs successifs, peut-être parce que je ne sais pas aimer, peut-être parce que je manque de persévérance ou que j'en ai trop, ou encore que j'aime des gens qui ne peuvent pas m'aimer...
J'étais incapable de lui répondre, de dire quelque chose de cohérent. Il a eu un sourire triste :
— Quand on pense à tout ce qu'on raconte sur la vie privée des gens du spectacle...
Un nouveau silence, et puis :
— Il a emporté ses affaires, Cyrille ? Ne me dites pas qu'il est parti à cause de moi ? (pp.158-159)
Cet homme tranquille a cru négocier sa vie avec succès, mais, au crépuscule, il se révèle fasciné par l'adolescence.
■ Les collines nues, Maurice Périsset, éditions de l'Orbe, 1991, ISBN : 2740900031
Du même auteur : Les tambours du Vendredi Saint - Deux trous rouges au côté droit - Le ciel s'est habillé de deuil - Soleil d'enfer - Laissez les filles au vestiaire - Corps interdits - Les noces de haine - Avec vue sur la mort - Les grappes sauvages - Gibier de passage