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Les virginités, Daniel Zimmermann

Publié le par Jean-Yves Alt

C'est l'histoire d'un couple très ordinaire issu du prolétariat, ébloui par les dieux du monde bourgeois. Bob et Sarah travaillent, luttent, se déchirent dans la soumission aux oukases de la réussite.

Les virginités est le roman de toutes les trahisons, parce que ses personnages font le jeu de toutes les conventions. L'homosexualité intervient alors comme la dernière innocence, le territoire de la nostalgie, voire le sens du comportement masculin.

La quarantaine approchant, Bob et Sarah s'accrochent férocement à leur ascension sociale mais rêvent de plus en plus au grand amour dont on leur a rabâché les inestimables délices. Ils feront ce qu'il est convenu de faire. Sarah a des amants qui la distraient de l'esclavage domestique. Quant à Bob…

Bob est un étrange personnage sous ses dehors de bon gros sans talent. Des femmes, il n'a aimé que la sienne jusqu'au jour où il tombe amoureux de Philippe, son collaborateur, un homosexuel doux et tendre.

Bob est-il homo parce que, la quarantaine venue, il a aimé Phil, puis s'est payé quelques gigolos maghrébins ? Bob ne se pose pas la question de l'interdit comme le font ceux qui se découvrent homosexuels dès l'enfance. Pour lui, les garçons sont une bouffée d'oxygène dans une existence confinée aux lois d'un milieu social. Malgré l'apparition de quelques fantasmes équivoques, sa nature s'est longtemps contentée des frontières hétérosexuelles. La harangue qu'il imagine lors de son licenciement est davantage l'expression du fiasco de sa vie que le discours d'un homo soudain décoincé :

« ...un pédé, une pédale, une tapette, une tantouze, une folle, une chochotte, une lope... Bob la revendique haut et fort, son homosexualité. »

Bob est né dans les années trente et il est marié. Il aime les hommes avec la témérité de ceux qui ont oublié de vivre. Il croit que l'homosexualité aurait pu lui donner le bonheur. La question obsédante d'en être ou pas ne le harcèle en rien lorsqu'il fait usage de Karim, prostitué maghrébin, dans la droite ligne de son amour condamné pour Phil.

L'homosexualité donne enfin à Bob l'occasion de se reconnaître dans le plaisir et dans la passion. De la même manière, il n'aura jamais de problème moral vis-à-vis de sa tardive orientation sexuelle, tant elle est rangée dans le domaine des exotismes hors du couple, secrets immenses et pitoyables où l'homosexualité n'est pas plus répréhensible que l'adultère.

Lorsque Bob est amoureux d'un homme, il éprouve autant d'enthousiasme et d'innocence que lors des premières années conjugales. Ce qu'il vénère au fond c'est la fidélité et la tendresse, et ce qu'il redoute ce sont les exploits sexuels que l'on impose aux hommes dans une société machiste. Né dans les années 60, Bob aurait été un excellent homo pantouflard.

Ce n'est pas tant que Bob couche avec un pédé qui est intéressant dans ce roman, c'est qu'après avoir aimé, en tout honneur et virilité, son ami hétéro Stéphane, il aime un homo, retrouve, grâce à lui, son identité et approche enfin l'harmonie du couple tant convoitée. Bob demande à l'amour homosexuel ce qu'il espérait de l'amour hétérosexuel.

En cherchant le bonheur, Bob est né à lui-même.

■ Les virginités, Daniel Zimmermann, éditions Actes Sud/Babel, 2000, ISBN : 2742726209


Du même auteur : Les Malassis - Nouvelles de la zone interdite

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