Le dahlia noir, James Ellroy
Le dahlia noir est un livre à part dans l’œuvre de James Ellroy. Il évoque une affaire hors du commun : l'assassinat d'Elisabeth Short, une jeune prostituée de vingt-deux ans ainsi surnommée pour son goût prononcé à s'habiller en noir : de la tête aux pieds.
On retrouva son corps nu, mutilé et coupé en deux à la taille, le 15 janvier 1947, dans un terrain vague de Los Angeles. Malgré les centaines de policiers mis sur l'affaire, le meurtrier ne fut jamais identifié...
L'écriture de ce roman a représenté, pour James Ellroy, la plus étonnante et la plus efficace des catharsis : en juin 1958 en effet, également à Los Angeles, la mère d'Ellroy a été assassinée et la police n'a jamais retrouvé le tueur...
Le dahlia noir suit, sur près de trois années, un groupe de flics obsédés par l'affaire au point d'y laisser sombrer leur carrière ou leur vie privée. Comme toujours chez Ellroy, plusieurs intrigues parallèles s'entrecroisent avant de déboucher sur un dénouement dramatique. Radiographie impitoyable du Los Angeles de l'après-guerre, Le dahlia noir met en scène deux inspecteurs de la criminelle, Lee Blanchard et Bucky Bleichert.
Bénéficiant d'une écriture forte, sèche et nerveuse, Le dahlia noir est un récit apparemment objectiviste qui laisse les personnages enquêter, s'exprimer et nous entraîner à leur suite dans leur longue traque. Il est donc malaisé de déterminer ce qui relève des préjugés des personnages et ce qui reflète la pensée de l'auteur. C'est sans doute l'une des complexités de l'interprétation de l'œuvre...
Concernant l'homosexualité, Bucky Bleichert en a une conception très américaine (des années quarante), qu'il exprime lors de l'interrogatoire d'un militaire d'origine française, soupçonné d'avoir assassiné Betty Short : « Pour moi, vous faites plutôt homo. Ceux qui donnent dans la langue fourrée princesse, c'est des pédés réprimés, ça été prouvé. » Mais lorsque l'enquête entraîne les flics à s'intéresser aux boîtes de femmes de Los Angeles et au tournage d'un porno lesbien où Betty a batifolé, Bucky est troublé en pensant « aux femmes avec d'autres femmes... des filles tendres avec leurs côtés durs, pareilles à ma cohorte de nana-récompenses » et en voyant deux femmes en train de s'embrasser. Troublé au point d'entretenir une liaison torride avec une bisexuelle rencontrée une nuit...
Récréation éblouissante du Los Angeles des années quarante, Le dahlia noir reste, dans l'histoire littéraire du polar américain, un moment privilégié.
■ Le Dahlia noir, James Ellroy, Editions Rivages, 2001, ISBN : 2869301537
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