Mon regard sur le saint Sébastien de Francesco di Gentile da Fabriano
De quels discours nous parlent ce corps de Sébastien ? : religieux, érotique, médical... ? Chacun, selon sa visée, peut en construire sa fiction.
Le saint est nu, sa représentation limitée à la partie supérieure de son corps. Il est atteint de quelques flèches. On devine dans la transparence de l’auréole, le poteau aux outrages où Sébastien est attaché.
Son corps semble presque hors de toutes références à l'histoire supposée réelle de son martyre : le peintre n’a retenu que le degré minimum et suffisant de particularisation de ce corps pour en permettre l'identification, semblant ainsi accentuer une approche dévote.
Pourtant, cette représentation n’est pas sans ambiguïté… L’échec patent des flèches, mettant en scène le paradoxe d'une visée qui atteint sa cible sans atteindre son but, confère, à ce corps, très justement représenté aux seules parties vitales, un état privilégié qui invite celui qui le regarde [le spectateur-archer] à « s’écrire » des fictions.
Son regard absorbé évoque une solitude, un silence, une expérience intérieure. Et, en même temps, ses yeux exceptionnels, tout à la fois présents et absents, visent, comme l’archer l’a fait pour tirer ses flèches, à son tour le spectateur en le mettant sous la dépendance d'une injonction visuelle très efficace. Rendre, par le regard, tourné vers un « hôte » invisible, le spectateur captif.
Francesco di Gentile da Fabriano – Saint Sébastien – seconde moitié du XVe
Huile sur bois, Palais des Beaux-Arts de Lille
Les fictions peuvent alors s’élaborer.
Le viseur est visé…