Mon frère Yves, Pierre Loti
Roman réaliste. Mon frère Yves est le journal de l'amitié de Loti pour Yves Kermadec. On y trouve un Loti en quête de l'homme-enfant, comme d'autres cherchent la femme-enfant.
Yves est décrit « demi-nu » sur les navires à « errer sans souci de rien au monde sur le désert changeant de la mer, (...) âme vierge et inculte qui se traduisait en ivresses brutales ou en rêves naïvement purs ».
Dans des conditions de travail harassantes, dans ce travail de bagnard, lié à la mort, dans leur virilité bestiale, arrive comme une odeur : l'enfantin (Loti découvre Yves recousant ses vêtements).
Mon frère Yves est un très beau livre. Malgré la fin expéditive : Loti marie Yves qui retrouve la paix du foyer, le bonheur. Mais, on n'en doute pas, la paix du foyer, Loti n'y croyait guère. La fin du roman n'est que pure convention et alibi.
La Bretagne y est magnifique. Loti a exactement vu sa misère. Il y pressent une culture, une langue en danger. Brest, le quartier du port (Recouvrance), loin des mythologies maritimes d'un Pierre Mac Orlan, est minutieusement révélé. Les foules de marins, l'alcool, l'angoisse des femmes, l'aventure, la prostitution...
Curieux réalisme : on songe à Zola lorsqu'on sait comment Loti, à la fin de sa vie, critiquera l'art de l'auteur de Germinal…
■ Mon frère Yves, Pierre Loti, Editions Gallimard/Folio, 1998 (dernière édition), ISBN : 2070393356