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Lettre d'amour d'une femme à sa bien-aimée au Moyen-Âge

Publié le par Jean-Yves Alt

La lettre suivante constitue un document remarquable de la littérature « lesbienne » médiévale :

« A. à G., sa rose sans pareille, liens de précieux amour.
Quelle est ma force, pour que je doive supporter cela,
Pour que je me résigne en votre absence ?
Ma force est-elle celle des pierres,
Pour que je doive attendre votre retour ?
Moi, qui connais un perpétuel tourment jour et nuit
Comme celle qui a perdu une main ou un pied ?
Tout ce qu'il y a de charmant et de délicieux
N'est sans vous que boue collée à la semelle.
Je verse des larmes comme jadis je souriais,
Et mon cœur n'est jamais content.
Quand je me rappelle les baisers que vous me donniez
Et comme avec de tendres paroles vous caressiez ma frêle poitrine,
Je veux mourir
Parce que je ne puis vous voir.
Que puis-je faire infortunée ?
Où me tourner, misérable ?
Si seulement mon corps pouvait être confié à la terre
Jusqu'à votre retour tant désiré ;
Ou si le pouvoir de voyager m'était accordé comme à Habacuc,
Pour que je puisse aller là-bas une seule fois
Contempler le visage de ma bien-aimée
Il me serait ensuite indifférent que ce fût l'heure même de ma mort.
Car nulle n'est née à ce monde
Si aimable et pleine de grâce,
Ou qui me porte une affection
Si honnête et si profonde.
Aussi je ne cesserai de me tourmenter
Jusqu'à ce qu'il me soit permis de vous voir à nouveau.
Un sage a dit justement que c'est un grand chagrin d'être privé
De ce sans quoi on ne peut vivre.
Tant que le monde durera,
Vous ne serez jamais effacée du sanctuaire de mon cœur.
Que puis-je dire de plus ?
Reviens, mon doux amour !
Ne prolongez plus votre voyage ;
Sachez que je suis incapable de supporter plus longtemps votre absence.
Adieu.
Souvenez-vous de moi. »

■ in Christianisme, tolérance sociale et homosexualité de John Boswell, Editions Gallimard, Bibliothèque des Histoires, 1985, ISBN : 2070700402

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