Messiah, Gore Vidal
Dans l'Amérique post-atomique, Amérique des certitudes et du développement économique, une voix s'élève, depuis la Californie : celle d'un nouveau prophète dont l'évangile pourrait se réduire à ce sophisme : « Le but suprême de la vie c'est la mort ».
Cette catéchèse singulière, amplifiée, orchestrée par un publicitaire de génie, touche, bouleverse bientôt des milliers d'adeptes. Et une nouvelle foi croît, fortifiée par une utilisation habile des médias, se répand hors des États-Unis, gagne le monde, submerge peu à peu toute résistance. Son credo : le suicide, sa finalité : le contrôle de la planète.
C'est donc une fable – toujours d'actualité – que ce roman de Gore Vidal. Je reste perplexe, car ce roman, best-seller aux Etats-Unis au cours des années 60, a anticipé crûment, avec une évidence aveuglante, sur la réalité de notre monde, aujourd'hui : retour à Dieu et aux sectes, d'un bord à l'autre des hémisphères.
John Cave, le messie de Gore Vidal, c'est son apocalyptique credo mais c'est aussi, dans les moyens que son église se donne ou prend… à l'image des nombreux « révérends » et de leurs églises de notre monde du XXIe siècle.
Ce récit limpide, impassible, annonce, avec une stupéfiante justesse, le retour aux fanatismes, à la démission de la pensée, à la suspicion devant l'esprit critique. Rien de plus que la négation de l'individu, de sa place dans la société, de la société même. Tous les ayatollahs du monde sont les pères spirituels de John Cave, le messie californien.
Exercice brillant et efficace, ce roman confronte ses lecteurs aux événements récents, vécus dans notre confort national. Evénements récents qui n'augurent guère un excessif optimisme.
■ Messiah, Gore Vidal, Editions Belfond, 1980, ISBN : 2714413110
Du même auteur : Myra Breckinridge et Myron - Un garcon près de la rivière - Julien