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Enfer rouge, mon amour, Lucien Trong

Publié le par Jean-Yves

Difficile d'oublier un amour qui, dans les plus tragiques circonstances, a aidé sinon à éviter, du moins à vivre l'adversité. C'est ce qu'éprouve Lucien Trong tout en évoquant, dans son livre-témoignage, la tendresse profonde qui l'a uni durant des mois à Ly, prisonnier comme lui des camps de Hô Chi Minh, au Vietnam.



Lucien Trong était assistant à l'Université de Saigon quand la soldatesque et sa police y ont déferlé, pour installer un régime contraire à tout ce qui faisait ses raisons d'exister. Dissident et suspect à divers titres, il s'est donc retrouvé dans un terrible camp de rééducation avec d'autres insoumis ou simplement victimes du mauvais vent.


Mode de vie concentrationnaire : surveillance, corvées, privations, misère, destruction progressive de l'individu.


Une seule lumière pour Trong – en dehors du fait qu'il parvient à mettre sur pied une petite troupe de théâtre amateur – la présence non loin de lui de Ly, qui bientôt lui rend son amitié passionnée.


Mais comment la liaison des deux garçons résisterait-elle au sort qui s'acharne sur eux, les sépare, puis semble un moment les rejoindre pour, inexorablement, les arracher l'un à l'autre ?


« Tam Mao dut me pousser pour que je reprenne mes esprits et surmonte mon trac. Ce n’était pas le moment de flancher. Ces compliments qui étaient autant d’injures à ma virilité, qui me flattaient autant qu’ils m’humiliaient, que Ly entendait aussi bien que moi, ne devaient pas me faire oublier que la joie du camp était suspendue à cet instant. Après tout, le théâtre Kabuki japonais s’honorait du talent de ses acteurs dans les rôles féminins. Victime de mes préjugés, je m’identifiais tout simplement aux jeunes types qui faisaient le tapin en minaudant dans les rues de Saigon. Mais pourquoi cette répulsion insurmontable pour les gitons efféminés qui se prostituaient alors que les filles de joie ne m’inspiraient que sympathie ? Pourquoi ne voir là que laideur et ridicule, et ici que beauté et naturel ? Une belle chanson estelle moins belle selon qu’elle est chantée par un homme ou une femme ? L’amour qui m’attachait à Ly était-il moins intense et moins bouleversant que celui que j’aurais éprouvé pour une jeune fille ? Y a-t-il vraiment deux façons de naître, d’aimer et de mourir ? » (page 54)


Quand il pourra – après quelle équipée et quels périls – toucher la terre de France, cette bénédiction, et trouver une situation, Lucien Trong gardera au cœur une plaie ouverte : l'absence de Ly, qu'il a dû laisser, sans espoir et abruti de malheur, au fond de « L'enfer rouge ».


■ Editions du Seuil, 1980, ISBN : 2020055449



Le site de l'auteur

L'enfer rouge en version PDF


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