La leçon inaugurale, Jean-Didier Wolfromm
La leçon inaugurale est celle que se remémore, recrée, invente, Jérôme Moynard, premier juge d'instruction à Paris.
Elle est prononcée – dans l'imaginaire du jeune juge – par le ponte de la médecine que fut le professeur Raoul Moynard, un grand patron dont le souvenir officiel a laissé chez son fils une trace indélébile, dans la mesure où l'homme privé révélait des égoïsmes et des petitesses aux antipodes du personnage public.
La « Leçon » martèle la mémoire du fils dont la profession, on ne peut plus sévère, indique assez qu'il n'est pas facile de bannir qui l'on veut surpasser pour se faire pardonner de ne pas l'aimer. Mais si la présence (l'absence) lourde du père rythme le cérémonial de l'écriture, d'autres aspects font du livre un roman à part.
- D'abord l'enquête au cœur du récit, une minutieuse investigation dans les milieux de l'art et de la politique, autour d'un meurtre qui met en cause bien des personnalités, à la fin de l'ère Pompidou. Le scandale qui mêle astucieusement personnages réels ou dissimulés colle à l'actualité de l'époque. Rien n'a changé quant au dessous des cartes du pouvoir. Sinon que les projecteurs des médias donnent le sentiment que les « affaires » où se compromet l'Etat sont des émanations récentes du pourrissement de la politique.
- Ensuite parce que Jérôme Moynard est un homme de rigueur, un solitaire. Il veut faire régner la justice et sa vie privée (il y a aussi une très belle histoire d'amour) en sera la première victime.
Le style de Jean-Didier Wolfromm est d'immerger son récit dans l'histoire proche et, tel Balzac, de nourrir ses personnages des préoccupations de son temps. L'auteur a su aussi créer un personnage sensible, dur à l'ouvrage, tenté par la sainteté mais âpre et désespéré quelque peu, avec humour. Un homme tragique qui a l'élégance d'éviter de se prendre au sérieux, dans un monde qu'il doit juger et qu'il sait pourtant définitivement immoral.
■ Editions Grasset/Cahiers Rouges, 1999, ISBN : 2246277221