Ce que la nuit raconte au jour, Hector Bianciotti
A dix ans, il recopie le Chat Botté et l'envoie à une revue provinciale qui l'édite sans détecter le subterfuge. Gros succès familial. Le petit tricheur n'en éprouve aucun remords.
Comme il semble ne pas se culpabiliser des plaisirs solitaires qu'il se donne avec ferveur dès l'âge de sept ans. Le curé, étonné d'une telle précocité, l'accuse de mensonge.
Hector Bianciotti livre ses souvenirs d'enfance dans un livre admirable : « Ce que la nuit raconte au jour ». Profusion de l'écriture et de l'imaginaire dont le petit garçon se crée le dieu intime.
L'écrivain a passé sa jeunesse en Argentine, dans une ferme perdue où la littérature était absente. Le français, langue d'adoption dans laquelle il écrit maintenant ses livres, est portée à ses plus extrêmes possibilités baroques. Une volupté musicale que le lecteur partage d'autant plus que l'écrivain s'en repaît avec une jubilation incantatoire.
La sexualité d'Hector est aussi excessive que son goût d'écrire. La jouissance onaniste ne se prend pas à la sauvette mais appelle la participation de la nature, comme si les frémissements de la chair et les sursauts divins de l'éjaculation permettaient de s'approprier le temps et l'espace. Au séminaire où il finit par échouer confondant le rituel religieux avec l'exaltation spectaculaire du moi, il tombe amoureux d'un compagnon. Cette passion partagée mais... chaste le débarrasse d'une crise mystique. Plus tard il oubliera Dieu.
On peut s'irriter de l'égocentrisme de Bianciotti, de ce culte infini de soi, de ce narcissisme. Pourtant portés à un tel paroxysme, ces excès deviennent dons. Car Bianciotti possède le talent d'embrasser l'ensemble d'un "tableau" comme celui de décortiquer le détail d'une scène. Bianciotti se sauve des pièges et des prisons.
Hector Bianciotti sait rompre et partir et ne se retourne que sur le faste de la mémoire.
■ Ce que la nuit raconte au jour, Hector Bianciotti, Editions Gallimard/Folio, 2000, ISBN : 2070409910
Du même auteur : L'amour n'est pas aimé - Le pas si lent de l'amour