Naît-on homme ou femme ou le devient-on ?
L'auteur, s'appuyant sur ses connaissances constructionnistes, dénonce « la fausse et criminelle équation sexe = genre, la plus belle invention du patriarcat sexiste pour dominer les femmes. »
Précisions : le constructionnisme s'appuie sur l'idée que le genre (terme correspondant à l'anglais « gender », difficile à traduire en français) est un concept social qui dès la naissance, est employé inconsciemment la plupart du temps pour séparer les enfants en deux groupes sociaux bien distincts : garçons et filles. Cela ne met pas en cause, bien évidemment, le fait qu'il existe, d'un point de vue biologique, deux sexes ; sans oublier pourtant que même au stade biologique, nombre de combinaisons sont possibles, comme le cas des individus « intersexuels » (environ 1 % de la population) parfois considérés comme des « ratés » de la nature ou au mieux des handicapés, alors qu'ils sont tout simplement nés « différents »...
Le genre qui s’impose par les habitudes sociales dès la naissance n'est pas le sexe, mais un rôle, une façade que les normes et les traditions distribuent dans certains cas arbitrairement ; ce qui a pour effet d’amplifier la binarité homme / femme. L'enfant est vu dès sa naissance comme garçon ou fille avant même de le considérer comme un individu ; il est ainsi enfermer dans un comportement pré-formaté : les petites filles jouent à la poupée, les garçons au foot… Les femmes font le ménage et la vaisselle, les hommes vont à la chasse ; les femmes accouchent des enfants, les hommes d'œuvres… avec toutes les dérives déplorables connues et qui, aujourd'hui encore, entravent les efforts de parité. La « police du genre » va encore plus loin en assimilant sexe, genre et orientation sexuelle, elle impose ainsi une norme hétérosexuelle dominante et un modèle familial qui sanctionne moralement les comportements qui n'entrent pas dans cette norme (quand on sait qu'environ 10 % de la population est homosexuelle, on imagine les ravages que cette norme peut engendrer !)
La dictature au quotidien
Ce que Georges-Claude Guilbert, [adepte du constructionnisme anglo-saxon], nomme « la dictature du genre » est ainsi décortiqué avec de nombreux exemples pris dans la vie quotidienne et commentés avec habileté. « Pour les constructionnistes, l'être humain se différencie de l'animal grâce au langage, à la création artistique, à la religion, au meurtre gratuit éventuellement, mais surtout grâce au fait qu'il est moins assujetti à ses instincts que l'animal, notamment et surtout en matière de genre et de sexualité. (...) Et les constructionnistes remettent sans cesse en question tout rôle, tout attribut, tout mode de pensée traditionnellement considéré comme féminin ou masculin. » Face à eux, les « essentialistes » (ou « différentialistes ») qui croient à toutes sortes de différences innées entre les filles et garçons. Retour à l'éternel débat qui oppose l'inné et l'acquis, la prédétermination et le libre arbitre...
L'auteur dénonce aussi les nombreuses femmes qui participent avec ferveur au renforcement de leur propre esclavage, complices, souvent inconsciemment, d'une société où hommes et femmes féministes sont parfois considérés comme des illuminés ou des empêcheurs de tourner en rond. Les femmes qui acceptent l'oppression patriarcale sont, pour l’auteur, « traîtresses à la cause des femmes » mais aussi les victimes d'un grand « lavage de cerveau ». Pour lui, l'un des pires exemples, après Christine Boutin, de complicité active favorisant l’oppression des femmes, est l’auteur Ellen Willet, qui a publié en 2002, « Les hommes, les femmes etc. » un ouvrage grand public destiné à prouver que si les hommes et les femmes se comportent différemment, c'est bien parce que c'est leur nature en s'appuyant sur tous les poncifs existants et autres stéréotypes...
C'est pour un garçon ou pour une fille ? La Dictature du genre de Georges-Claude Guilbert, Éditeur : Autrement, mai 2004, Collection : Frontières, ISBN : 2746705060