L.I.E. (Long Island Expressway) un film de Michael Cuesta (2001)
À quinze ans, Howie est bien seul. Sa mère vient de mourir d’un accident de voiture sur la Long Island Expressway, son père est un architecte véreux sans égards pour lui. Howie n’a pas d’autres distractions à Long Island que de cambrioler des maisons avec sa bande de copains, tous aussi désabusés que lui. Lors d’un vol avec son meilleur ami Gary, sa route va croiser celle de Big John, un homme étrange d’une cinquantaine d’années, qui semble entretenir avec Gary une relation des plus intimes. Howie, intrigué, va développer des rapports complexes et dérangeants avec Big John.
MON COMMENTAIRE : Un film cerné au départ par l’idée de mort mais qui développe rapidement un autre thème, l’initiation à la vie. Portraits d’adolescences à la dérive, sans lois ni marques, L.I.E. est finalement un bouleversant récit initiatique qui nous dit aussi que rien n’est jamais perdu.La force du film tient en cette relation ambiguë, jamais foncièrement malsaine, entre Big John (Brian Cox aussi subtil qu’émouvant et la chose ne s’avérait pas aisée) et son « élève ». Tous deux sont conscients réciproquement de leurs propres faiblesses et l’on a la sensation de voir évoluer un duo intelligent et sensible qui joue cependant avec le feu. Le spectateur est aussi tendu que l’atmosphère faussement calme qui règne dans le film. Touchés par ces destins fragiles, on a en tous cas la sensation d’avoir affaire à un réalisateur réellement indépendant et réellement intelligent. Libre à chacun d’interpréter la relation entre le pédophile et le jeune adolescent. Vu la tournure onirique que prennent les dernières scènes, on est singulièrement tenté de comparer Big John à un ogre moderne. Alors qu’en société, l’homme est aimable et semble accordé avec le monde, il se révèle être en fait une personne différente dans le privé. Certains pourront voir en cet homme une image parfaite de ce que prétend dénoncer Michael Cuesta : une Amérique a priori policée, sage en apparence, mais qui cache en profondeur des secrets immondes. Or le cinéaste ne semble pas condamner la pédophilie, de la même manière qu’il ne juge pas ses personnages. Au contraire, il essaye de les comprendre et de rendre les choses moins simples qu’elles ne le sont.
Père de substitution pour Howie, Big John offrira autant au jeune homme la vérité sur la vie (acte pédophile auquel il le confronte via une cassette vidéo) que celle sur l’âme (vers poétiques qu’ils déclament ensemble).
Indiscutablement, Michael Cuesta déteste le politiquement correct et semble aimer court-circuiter les conventions du genre. Il annihile les archétypes et met l’accent sur la complexité des rapports humains. En sortant de là, de cet univers sombre et glauque, l’expérience peut indisposer les âmes les plus sensibles. De la même manière qu’on peut se demander où le cinéaste veut en venir. Mais cela fait partie de l’ambiguïté de ce film qui ne révèle pas sa richesse immédiatement. Dépourvu de racolage, L.I.E. sait être impressionnant en évitant constamment les pièges du concentré voyeuriste.