Le code pénal comme nouveau catéchisme
Au cours des trois dernières années le nombre des prisonniers en France a progressé de 20%. Il faut s'interroger sur le pourquoi de cette incroyable inflation carcérale. Qu'est-ce qui arrive donc à notre société pour qu'elle soit conduite à mettre en prison un nombre sans cesse croissant d'hommes ou de femmes ?
Notons d'abord que le problème n'est pas propre à la France. Aux États-Unis, l'évolution a été bien plus vertigineuse. En trente ans, le nombre de détenus y est passé de 260 000 à deux millions. C'est bien ce chemin que paraissent suivre la France et même l'Europe. Pourquoi ? Plusieurs raisons se conjuguent :
■ D'abord le durcissement répressif vient répondre, incontestablement, à un sentiment d'insécurité partout répandu.
■ On doit également prendre en compte l’augmentation d'un type de délinquance, sexuelle par exemple, des comportements hier tolérés ou ignorés et aujourd'hui pénalisés : harcèlement, inceste, etc.
■ Il faut aussi compter avec la pratique de plus en plus systématique de la détention préventive.
■ Mais on peut aussi parler de la «pénalisation» irrésistible de nos sociétés ou même de cette «imbécillité pénale» (évoquée par l'essayiste Sébastian Roché *) à laquelle nous serions en train de sacrifier.
Qu'est-ce à dire?
Que lorsqu'une société n'est plus capable de produire des normes morales ou éthiques collectives, elle devient mécaniquement plus répressive. Quand aucun catéchisme (religieux, républicain, ouvrier, syndical, laïque, etc.) n'est plus accepté et intériorisé, il n'en reste plus qu'un : LE CODE PENAL.
La répression devient ainsi l'ultime et fausse réponse qu'une société déboussolée tente d'apporter à ses tourments.
C'est ce qui arrive lorsque, à force de dénoncer un prétendu «ordre moral», on n'a pas vu que s'installait subrepticement, et à sa place, un ordre pénal autrement redoutable...
* Sociologie politique de l'insécurité de Sebastian Roché, PUF, coll : Quadrige, 2004, ISBN : 2130537049. Sébastian Roché est politologue, secrétaire général de la Société européenne de criminologie 2001-2003, et enseignant à Science-Po Grenoble. Il est chercheur au CNRS et responsable du pôle sécurité et société.
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