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Épaves, Julien Green (1932)

Publié le par Jean-Yves Alt

"Épaves" est l'un des romans les plus noirs de Julien Green. Les premières pages du livre me trottent souvent dans la tête. Elles racontent une de ces petites lâchetés dont nous sommes tous coutumiers, plus ou moins et qui fera basculer le destin de Philippe, le personnage principal. Un soir, il musarde du côté du Trocadéro quand il surprend un couple qui se dispute. Il suit, du haut du quai, l'homme et la femme qui longent la Seine, jusqu'au viaduc de Passy. Sous la lumière d'un bec de gaz, Philippe aperçoit le visage de la femme, défiguré par la haine et la peur.

Apparemment, elle craint que son homme, qui a bu un coup de trop, ne la jette dans la Seine. Apercevant à son tour Philippe, elle l'appelle au secours : « Monsieur ! » Il a une hésitation. « Peut-être ne s'était-il pas connu avant cette minute », écrit Julien Green. Il recule de la rambarde et continue son chemin. Maintenant qu'il se connaît, il peut se mépriser.

La femme qui demandait du secours à Philippe dans les premières pages de ce roman est-elle la noyée retrouvée, à la fin du livre, au pont de Saint-Cloud, après avoir séjourné plusieurs mois dans l'eau ?

Contrairement à la légende, la différence entre les bêtes et les gens, ce n'est pas la conscience, du moins quand elle est bonne. Non, c'est la mauvaise conscience qui nous suit partout et qui, tout au long du roman, accable Philippe. A juste titre. Philippe, c'est moi, nous, tous les jours.

■ Épaves, Julien Green, Éditions Le Livre de Poche, 1996 (réédition), ISBN : 225313855X


Du même auteur : L'autre sommeil - Histoires de vertige - Moïra - Frère François - L'expatrié (journal : 1984-1990) - Villes - Journal de voyage 1920-1984 - L’arc-en-ciel : journal 1981-1984

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