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Un docteur irréprochable, Damon Galgut

Publié le par Jean-Yves Alt

Damon Glagut imagine un hôpital perdu au fin fond de la campagne, dans ce qui s'appelait un « Homeland », c'est à dire, selon la définition habituellement admise, un de ces «territoires pauvres est sous-développés que le gouvernement de l'Apartheid avait réservés à "l'autodétermination" de ses différentes "nations" noires».

Cet établissement n'a d'hôpital que le nom. Très peu de matériel. Tout a été volé, saccagé. Peu de personnel. Laurence Waters a choisi de venir là, pour effectuer son année de service social, une obligation à laquelle doit se soumettre tout jeune médecin après avoir obtenu son diplôme. Il ne voulait pas rester confortablement en ville, mais pouvoir se frotter à d'autres réalités, avec le vague sentiment qu'il serait plus utile. Ce qu'il découvre l'effare. En voyant sa tête, Frank Eloff, qui travaille là depuis des années, lui conseille de repartir immédiatement, de faire demi-tour et d'oublier ses bonnes intentions.

Laurence reste. Et l'on devine qu'il est dans cet hôpital, comme Galgut dans son pays. Stupéfait de constater que des années après la fin officielle de l'Apartheid, malgré de belles avancées, la repentance nationale, les vieilles frontières persistent sous les apparences paisibles du politiquement correct. Laurence le constate à chaque page. À commencer par les relations qu'entretiennent les médecins avec leurs patients. Tout le monde se moque que les malades meurent ici, puisque ce sont des noirs très pauvres, ou pire encore, des fuyards venus du pays voisin. Ils arrivent affamés, déshydratés, les pieds en sang, avec pour seul espoir, celui des clandestins. Laurence trouve encore la preuve de cet archaïsme dans les rivalités de pouvoir entre membres du personnel ou les relations qu'ils entretiennent avec les autochtones. Telle celle de Frank Eloff avec une jeune femme, Maria, une femme mariée et misérable qu'il a séduit. A-t-il pensé pouvoir l'aimer ? Leur relation est vite devenue une affaire d'argent : « Les pièces et les billets que je lui fourrais dans les mains en franchissant la porte symbolisaient ce qui nous séparait. (...) L'argent ne comblerait jamais l'abîme ; il était l'abîme ».

Voilà ce que Laurence va affronter et tenter de faire bouger. Tout le roman est à son image, austère et sans concession, mais jamais rasoir.

■ Un docteur irréprochable, Damon Galgut, Traduction de Hélène Papot, Éditeur : Editions de l'Olivier, avril 2005, ISBN : 2879294118

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