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Chaque musée a ses objets inclassables...

Publié le par Jean-Yves Alt

Celui d'Art sacré de Saint-Mihiel dans la Meuse compte une étonnante figure de saint Pierre. Faite de cire et d'étoffe, elle se rattache à une production originale et typiquement lorraine : les cires habillées nancéiennes.

Le reniement de Saint Pierre, œuvre anonyme datée du milieu du XVIIIe siècle, Figurine de 80 cm de haut en cire

Ces tableautins en relief connaissent une grande vogue pendant tout le XVIIIe siècle. Cette production de qualité particulièrement soignée est réservée à une clientèle aristocratique ou bourgeoise. Elle annonce l'engouement du grand public pour les techniques illusionnistes qui donneront lieu à des collections de personnages de cire, à partir de la fin du XVIIIe siècle, visibles aujourd'hui au musée Grévin et chez Madame Tussaud à Londres ou Amsterdam.

Cette œuvre baroque, aux confins de la statuaire, vient clore, dans la dernière salle du musée, toute la déclinaison des modes de représentation des figures. Elle se situe d'ailleurs à l'opposé de la statuaire hiératique et des transcriptions symboliques ou conventionnelles de la figure humaine que nous livre le Moyen Âge. Par l'utilisation de la cire, elle témoigne d'une volonté de rendre avec le plus grand réalisme la vivante humanité de ce saint personnage et de tenter de percer sa vérité intérieure.

Saint Pierre est représenté dans son humble condition de mortel. Presque chauve, le visage émacié, le corps affaibli par les ans, il a les traits d'un vieillard. Rien ne permet de l'identifier hormis la présence de ses attributs caractéristiques : le coq, qui chante trois fois afin que Pierre prenne conscience du reniement, ce qui réalise la prédiction du Christ, et les clés du royaume des cieux, traditionnellement attachées au pouvoir de remettre les péchés.

Dans cette composition largement inspirée d'un tableau de Jean Restout, peintre du XVIIIe siècle contemporain de l'œuvre, l'artiste décrit à merveille toute la complexité des sentiments qu'éprouve le premier apôtre implorant le pardon du Christ. Par la vérité saisissante du regard et des traits, il vise à faire éprouver au spectateur lui-même cette sensibilité mystique par l'effet d'une étrange empathie.

La cire témoigne d'une volonté de réalisme : ce tableautin baroque rend parfaitement l'humanité du personnage, sa vérité intérieure.

Photographies présentées : 2 détails du tableau.

Musée Départemental d'Art Sacré

rue du Palais de Justice 55300 Saint-Mihiel Téléphone : 03 29 89 06 47

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