Propos sur la jeunesse par Madame du Deffand
« Je m'aperçois que je n'ai point répondu à l'article principal de votre lettre, votre plaidoyer pour la jeunesse. Il est vrai pour l'ordinaire que la jeunesse n'est pas corrompue, que ses fautes sont moins criminelles, parce qu'elles ne sont pas réfléchies, ni de propos délibéré ; les agréments de la figure lui tiennent lieu de bon sens et d'esprit ; mais toutes les liaisons qu'on peut former avec la jeunesse ne tiennent qu'aux sens, et c'est peut-être tout ce qu'il y a de réel pour bien des gens ; et je crois avoir remarqué, sans me tromper, que ceux qui dans leur jeunesse n'ont eu que des affections de ce genre, perdent toute existence dans leur vieillesse ; ils ne tiennent à rien, et leur âme est pour ainsi dire dans un désert, quoiqu'ils soient environnés de connaissances, de parents et d'amis. Je plains ces gens-là, ce n'est pas leur faute ; nous sommes tels que la nature nous a faits ; on peut, peut-être (et c'est un peut-être), régler sa conduite, mais non pas changer ses sentiments ni son caractère. »
Madame du Deffand (1696-1780)
in Madame du Deffand à Horace Walpole, Préface de Chantal Thomas, Éditions Mercure de France, Le Petit Mercure, 1996, ISBN : 2715219598, p. 82
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