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Deux dames sérieuses, Jane Bowles (1965)

Publié le par Jean-Yves

Péché et culpabilité sont, dans ce roman, les mots stigmates.

 

Miss Christina Goering et Mrs Frieda Copperfield, les deux héroïnes sont d'entrée de jeu frappées de péché et elles n'auront de cesse, pour exorciser cet état de leur être, de le fustiger.



- La première, Miss Goering, est décidée à assurer son salut en luttant contre sa nature profonde, autrement dit en se contraignant à accepter les avances d'un homme.

 

- La seconde, Mrs. Copperfield, mariée à un homme, prend conscience de ses aspirations véritables en goûtant aux plaisirs de la compagnie de dames charmantes.

 

Mais ces deux dames sérieuses, détériorées par l'image qu'elles ont définitivement d'elles-mêmes, en toute circonstance, n'arrivent pas à dépasser leur sentiment d'infériorité.

 

Lorsque Miss Goering et Mrs Copperfield se retrouvent à la fin du roman, dans un restaurant de la ville, elles se scrutent. Miss Goering remarque que Mrs Copperfield a l'air démolie :

 

« En effet », dit Mrs Copperfield en abattant le poing sur la table, l'air très irritée. « Je me suis démolie, oui, et c'est exactement ce que je voulais, depuis des années. Je sais bien que je suis une grande coupable, mais j'ai atteint le bonheur et je le défendrai, avec l'acharnement d'une louve, sachez bien que j'ai de l'autorité, maintenant, et une certaine dose d'audace ; si vous avez bonne mémoire ; il n'en était pas ainsi autrefois. »

 

Mrs Copperfield, a désiré et refusé tout à la fois la jeune Peggy Gladys âgée de dix-sept ans :

 

« Mrs Copperfield fut prise d'une crise de tremblement dès que Peggy Gladys eut fermé la porte derrière elle. Elle tremblait si violemment que le lit semblait agité de soubresauts. Jamais encore elle n'avait souffert comme en cet instant. Elle allait faire ce qu'elle voulait mais cela ne la rendait pas heureuse. Elle n'avait pourtant pas le courage de s'opposer à la réalisation de ses désirs. Elle savait qu'elle ne serait pas heureuse car les rêves des déments sont les seuls à se réaliser. Elle savait qu'une seule chose, une seule, l'intéressait : reproduire de nouveau son rêve, mais alors elle devenait nécessairement et totalement la victime d'un cauchemar. »

 

Miss Goering, si consciente de la faute de sa vie, son homosexualité, ne pourra pas plus faire taire ses tendances masochistes :

 

« Ta première souffrance, tu la portes en toi comme un fardeau de magnétite ; dans ta poitrine, parce que c'est d'elle que te viendra la tendresse. Il faut que tu la portes en toi ta vie durant, mais ne tourne pas en rond autour d'elle. Il faut abandonner la recherche de ces symboles qui ne servent qu'à te dissimuler ton visage. Tu auras l'illusion qu'ils sont disparates et multiples mais ils sont toujours les mêmes. Si tu veux seulement mener une existence supportable, cette lettre ne te concerne sans doute pas. Grâce au Ciel, un vaisseau quittant le port est encore un spectacle merveilleux. »

 

■ (Two Serious Ladies), Éditions Gallimard/L'Imaginaire, 2007, ISBN : 2070784150

 

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