Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Quand les anges meurent, Afsaneh Eghbal

Publié le par Jean-Yves Alt

Les anges fascinent les hommes. Non pas parce qu'on les imagine sans sexe, mais, bien au contraire, riches des deux sexes, d'un troisième peut-être qui leur donnerait le pouvoir de connaître et de mesurer la jouissance qu'ils sont en train de procurer.

Sous l'apparente caution d'une enquête policière, Afsaneh Eghbal raconte l'histoire de Greer Larson (ex Gregory), transsexuelle, femme d'âme, devenue femme de corps, sculpteur célèbre, assassinée.

Derrière l'alibi d'une expérience chirurgicale se cachent tous les mythes de l'androgyne. L'auteur souligne les carcans qui séparent le masculin du féminin et exigent de l'individu qu'il s'inscrive définitivement dans le rôle physiologique et social de son sexe déclaré.

C'est ainsi qu'à côté du journal intime de Greer Larson, le lecteur découvre celui de Vanesse Lee, toute-femme, semble-t-il, mais loin des hommes et des femmes, ni femme-femme, ni lesbienne, mais réfugiée dans la drogue pour échapper à une interrogation qui la consume.

Et qu'en est-il de Mary-Lynn Stroher qui occupe la pire des places puisqu'elle se croit normale, raisonnable, équilibrée, sportive, libre et libérée ?

Où l'on rencontre aussi des hommes en quête de quel mirage ? Amoureux du corps d'une femme qu'ils savent être un homme et qui assistent – jaloux ? – à la métamorphose de l'homme-homme en homme-presque femme.

Et quel portrait que celui de ce professeur sévère qui, à la nuit tombée, demande aux femmes de l'aimer travesti, offrant ses jambes gainées de soie, sa perruque, ses dessous affriolants où s'agite alors un phallus conquérant.

« Quand les anges meurent » démonte les pièges d'une société prisonnière de ce qu'elle croit encore le « naturel » qui définirait dès la naissance un destin précis parce que sexué. Le péché de tous temps a été de ne pas se suffire d'Adam et d'Ève, de refuser d'être créé par un dieu absent et de désirer se « sculpter » soi-même, sans finalité, comme le dit Greer-Gregory :

« Car je ne suis pas une femme, je suis telle que je me suis voulue, une espèce qui n'a pas de nom, je veux être cela très exactement, ni homme, ni femme, même quand je suis nue, une espèce qui n'a pas de nom. »

■ Quand les anges meurent, Afsaneh Eghbal, François Majault éditeur, 1991, ISBN : 2908898004

Commenter cet article