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Origine du mot « gay »

Publié le par Jean-Yves Alt

Les origines de ce mot devenu branchouillard sont diverses et variées. Prenons par exemple le cas du premier magazine TV gay et lesbien qui a choisi de prendre le nom de "Good As You". Pur hasard ? Absolument pas. Suite à des recherches encyclopédiques, les concepteurs de ce divertissement moderne ont découvert que le qualificatif de "gay" est tout simplement l'acronyme de "Good As You"...

Creusons plus loin l'analyse et plaçons-nous sur un plan historique. Au XVIIème siècle, le mot « gay » signifie joyeux, comme en français, mais aussi immoral, adonné au plaisir. Toujours à la même époque, c’est un mot d’argot pour "pénis". Au XIXe, to gay signifie "baiser". Et de fait, une gayhouse est un bordel. Dans les années 1890, gaycat signifie vagabond. Plus précisément : un vagabond débutant, un jeune qui rejoint la zone. Dans les cambriolages, les gaycats faisaient le guet pendant que les durs agissaient. Au repos, ils servaient de femelles aux anciens… dans le sens que vous imaginez ! Ces mœurs grossières "homo-sexualisent" le mot et lui donnent sa signification moderne.

En littérature, le mot « gay » au sens homosexuel apparaît pour la première fois en 1933 dans le roman "Young and Evil" ("Jeunes et méchants") signé Charles Henry Ford et Parker Tyler. Il narre la vie quotidienne d’une tribu de jeunes artistes homos, drags queens et loft cradingue, lâchés dans le Greenwich Village de New York. L'étiquette de "vie de débauche" colle déjà à la peau de la communauté homosexuelle ! En 1935, le livre "Underworld & Prison Slang" d’Ersine, dico d'argot des prisons et des gangs anglais, définit gaycat par "homosexual boy". En Angleterre, « gay » privilégie nettement la connotation sexuelle.

Au cinéma, c’est en 1938 que le mot "gay" fait son outing dans "l'Impossible monsieur Bébé". La scène où Cary Grant (eh oui !) s’habille en femme et explique : "Because I went gay all of a sudden !" (« Parce que je suis devenue gay tout d’un coup »). Sans doute, une blague des scénaristes qui s’attendaient à être coupés par la censure et que les censeurs n’ont pas vue.

Mais il reste une question en suspens : "Gay" inclurait-il exclusivement la communauté homosexuelle au sens masculin du terme ou s'élargirait-il à l'ensemble des autres minorités sexuelles telles que les lesbiennes, bisexuels et transgenres ?

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J
« Le berdache et le gay<br /> L'incapacité de la bonne société washingtonienne à identifier en 1886 « le sexe » de We'wha reflétait le poids écrasant des stéréotypes : un être se comportant comme une femme devait donc être une femme.<br /> Pareille confusion serait invraisemblable aujourd'hui. À propos de We'wha, on parlerait de transsexualité ou d'homosexualité. Et une opinion plus éclairée, déconstruisant les identités de genre, verrait dans le berdache la preuve vivante de la fausseté d'une catégorisation binaire et « sexuante » qu'il faut désormais faire éclater.<br /> Ce qui n'était en 1886 qu'une curiosité folklorique pour les Blancs prend en effet un tout autre sens à notre époque (Le mot berdache est maintenant rejeté car péjoratif, impliquant l'idée de «passivité» sexuelle, et l'on parle de Two-Spirit, terme qui souligne la bispiritualité de ces personnes.). We'wha passe maintenant pour un exemple parmi tant d'autres de l'impossibilité de classer les êtres humains à partir de l'axe homme/femme, masculin/féminin. De même que les adversaires de la civilisation marchande ont pu lui opposer la figure d'un « bon sauvage », de même les gender studies interprètent le berdache comme expression avant la lettre d'une critique (implicite) du genre.<br /> D'ailleurs, dans les années 1950, certains militants « homophiles » comme Harry Hay et, après 1970, des Native Americans gays ont puisé inspiration et légitimité historique chez les berdaches. Par une sorte de retour aux racines, le berdache a servi d'ancêtre du gay. Il s'agit pourtant là d'un contresens : si le berdache avait des rapports sexuels avec des hommes (non avec d'autres berdaches), ni lui ni ces hommes n'étaient des « homosexuels », encore moins des « gays ». Le mot et le concept même d'homosexualité étaient inexistants à la naissance de We'wha, à peine connus au moment de sa mort et inadaptés à la société zunie, qui ne faisait pas un critère déterminant de la préférence sexuelle du berdache pour des hommes (au lieu de femmes). Loin de constituer une anomalie ou une étrangeté dérangeante anticipant sur le queer, le berdache existait parallèlement aux autres sans problème de voisinage et respectait la hiérarchie des sexes. Il tenait un rôle singulier, spirituel, sacré, sans vivre pour cela hors norme : il incarnait l'une des normes.<br /> L'originalité des Zunis (qui ne sont pas les seuls dans ce cas), c'était de prévoir à l'intérieur de la binarité féminin/masculin, déterminante dans l'organisation sociale de ce peuple, une subdivision accueillant des êtres hybrides, nés masculins puis assimilés au groupe féminin. En termes modernes, la société zunie avait inventé une façon d'« intégrer » des jeunes biologiquement du côté « masculin » mais penchant vers le « féminin ». Cependant, la preuve que les berdaches confortaient l'ordre sexuel et « sexuant », c'est que, comme les femmes, ils se mariaient avec des hommes. Chez les Zunis, masculin et féminin occupaient une place distincte, et le berdache s'y conformait à sa manière. Comme dans la plupart des sociétés traditionnelles, la ségrégation des sexes (homme/femme) supplantait la différence entre orientations sexuelles (hétéro/homo).<br /> C'est aujourd'hui que le berdache « interroge » nos façons de vivre et de penser : on voudrait y déceler un jeu avec les limites, voire une transgression, alors que le berdache remplissait une fonction à l'intérieur de règles différentes de celles des Européens et Nord-Américains de 1886... et d'aujourd'hui. »<br /> Gilles Dauvé<br /> in Homo : Question sociale & question sexuelle de 1864 à nos jours, Editions Niet, 296 pages, 9 novembre 2018, ISBN : 9791096195077, 9€, pp. 6-7
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J
Bonjour,<br /> M'autorisez-vous une traduction pour le blog "gejaj rakontoj" ? En citant la source, bien entendu.
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J
Traduisez ! Il n'y a aucun souci.
D
Pourquoi franciser le mot GAY ? <br /> Ce mot est américain, pour le moins. En français il suit toutes les règles de la grammaire américaine ou il reste invariable. C'est vrai pour tous les mots étrangers : scénario - scénarios francisé, scenario - scenarii, gay - invariable.
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J
Rien n'oblige à franciser le terme "gay".<br /> Ci-après, ce que dit le dictionnaire historique de la langue française quant à l'origine de ce mot.<br /> Dictionnaire historique de la langue française sous la direction d’Alain Rey, Le Robert, 1992 : <br /> GAI, GAIE adj. est peut-être emprunté (seconde moitié XIe siècle) à l'ancien provençal gai, terme employé par les troubadours et que l'on considère en général comme germanique, issu du gotique °gaheis « impétueux » ou plus vraisemblablement de l'ancien haut allemand « gahi » (même sens), ce qui explique la forme « jai » au XIIIe siècle. P. Guiraud constate que l'idée de « liberté » est plus forte dans beaucoup d'emplois anciens que celle d'« impétuosité » (cf. en termes de blason cheval gai « sans bride ni harnais », avoir l'ouïe gaie « entendre facilement ») et, sans rejeter un croisement avec le gotique, voit aussi à l'origine de gai le latin vagus « errant » et « mobile » (en parlant du sable) et au figuré « libre » (à propos des mœurs, du style) ; il relève également que la terminologie (occitane) des troubadours est entièrement latine.<br /> En français, gai se dit d'une personne animée par une disposition heureuse et vive, et, spécialement, dont la gaieté provient d'une légère ivresse (1611 ; d'où par métonymie avoir le vin gai, 1740) ; gai qualifie aussi les choses qui marquent la gaieté ou l'inspirent (v. 1300). <br /> La reprise du mot au sens de l'anglo-américain gay « homosexuel masculin » est récente ; elle concurrence la forme anglaise gay, employée comme nom et comme adjectif (v. 1965 ; des revues gay ou gaies) ; dans cet emploi, le mot anglais est apparu dans l'argot des prisons (1935) et s'est répandu après 1945.
J
"Mais il reste une question en suspens : "Gay" inclurait-il exclusivement la communauté homosexuelle au sens masculin du terme ou s'élargirait-il à l'ensemble des autres minorités sexuelles telles que les lesbiennes, bisexuels et transgenres ?"<br /> La réponse me paraît claire. Le Robert bilingue (en ligne) croit devoir le réserver au masculin, mais... Mon Robert & Collins de 1978 (reprinted 1979) donne comme 2e sens à l'adjectif homosexuel, homo* (f inv) [donc des deux genres], et pour le nom "homosexuel(le). G. Liberation Movement... Il est vrai que la symétrie n'est pas parfaite, puisqu'il traduit "pédé" par gay, mais non "gouine".
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