L'île d'Arturo, Elsa Morante (1957)
« L'île d'Arturo » aborde des thèmes ambigus.
À Procida, Arturo grandit dans le culte douloureux de sa mère, morte en le mettant au monde, et dans l'attente fervente, passionnelle de son père, Wilhelm Gerace, un homosexuel ; entre l'idéalisation extrême de ce père et la haine-amour pour sa belle-mère :
« Elle s'était insinuée dans ma chambre par une supercherie, se faisant passer pour un garçon comme moi, vêtue d'une petite chemise qui lui tombait sur la poitrine, une poitrine toute lisse, comme si en-dessous de cette chemise elle n'avait pas de formes féminines. Mais moi, j'avais tout de même deviné que c'était une femme, et je ne voulais pas de femmes avec moi, dans ma chambre. J'avançais contre la dormeuse, armé d'un poignard pour la punir de son imposture [...], je la vis se lever des couvertures, ahurie, laissant voir ses petites épaules nues et la forme de sa poitrine, et je la détestai encore plus furieusement. Je fus envahi par l'absurde et violent désir qu'elle fût vraiment un garçon comme moi, pour me battre à coups de poing avec lui jusqu'à ce que ma colère fût assouvie. »
Le personnage de père idolâtré, dont la beauté fixe une sorte d'idéal du désir, représente pour Arturo le modèle masculin. Aussi sa passion pour sa belle-mère Nunziata est en fait l'alibi de sa passion pour son père, et un véritable transfert d'amour homosexuel incestueux, fantasmé.
Arturo dit de son père, Wilhelm :
« La première raison de sa suprématie sur tous les autres résidait dans le fait qu'il en était différent, et c'était là son plus beau mystère. »
■ L'île d'Arturo, Elsa Morante (1957), Éditions Gallimard/Folio, 1978, ISBN : 2070370763