La nuit est sale, Dan Kavanagh
« La nuit est sale » est un sympathique roman du genre policier. Le style anglais de Dan Kavanagh (pseudo de Julian Barnes) est ici particulièrement dynamique.
Nick Duffy mène une enquête passionnante dans le quartier londonien de Soho, livré au racket, à la prostitution et au porno.
Il doit traîter une curieuse histoire de chantage, dont son client Monsieur McKechnie l'a chargé. Duffy traîne aussi derrière lui une réputation de pédé. Pas facile quand il s'agit de s'attaquer au monde qui a tout pouvoir sur la lâcheté, la bêtise et la convoitise humaines.
McKechnie se leva pour serrer la main de Duffy. Il était un peu surpris par la petite taille de l'agent de sécurité mais lui trouva l'air assez costaud. Il avait aussi un peu l'allure d'un pédé, de l'avis de McKechnie. Il se posa des questions sur l'anneau d'or. Était-ce simplement la mode, ou une espèce de signal sexuel ? McKechnie ne savait plus. Autrefois, on savait précisément où on en était ; tous les codes étaient bien établis, on pouvait dire qui faisait ceci et qui ne le faisait pas, qui en était et qui n'en était pas. Il y avait quelques années, on pouvait encore être à peu près sûr de ne pas se tromper absolument ; mais à présent, le seul moyen d'être tout à fait certain, c'était quand on demandait à sa secrétaire de vous nettoyer vos lunettes et qu'elle ôtait son slip pour ça. (p. 55)
« La nuit est sale » évoque l'Angleterre d'avant la clause 28 (loi voulue par Margaret Thatcher interdisant la promotion de l'homosexualité) et son homophobie virulente.
Bisexuel (« J'aime le poisson autant que la viande » p. 107), plutôt bien dans sa peau, Nick Duffy – fort peu thatchérien – a été écarté de la police par un coup monté qui l'a fait surprendre en flagrant délit de détournement d'un jeune garçon charmant mais malheureusement mineur.
La première fois qu'il alla draguer au Caramel Club il ramena un journaliste poupin à son appartement d'alors, près de Westbourne Grove. Deux soirs pus tard, il alla à l'Alligator et se trouva un étudiant poli tout juste descendu du train d'Oxford. La troisième fois, il retourna au Caramel, but un peu plus que d'habitude et fut soutenu jusque chez lui par un gentil môme noir à peu près de son âge. Dix minutes plus tard, sa porte fut enfoncée par deux flics costauds, le jeune Noir se mit à glapir : « Il m'a payé à boire, il m'a payé à boire » et le plus grand des deux flics empoigna Duffy par son épaule nue, le fit pivoter sur le lit et demanda avec une lourde ironie :
— Excusez-moi monsieur, mais quel âge a votre ami ?
Les vapeurs du whisky se dissipèrent comme si on avait mis en marche un ventilateur et il comprit qu'on l'avait possédé. Le môme était un mouton ; il assura qu'il avait dix-neuf ans. Les policiers prirent son adresse et lui dirent de se tirer. Puis ils emmenèrent Duffy au poste et l'inculpèrent. Quand il leur apprit sa profession, un des agents tourna le dos pendant que l'autre le matraquait dans les reins.
— Sale putain de flic pédé, dit-il. Fumier de pédé, il frappa encore.
Duffy savait qu'il était fini. Il fut suspendu… (p. 67)
Dan Kavanagh dresse un portrait fouillé et contrasté de ce privé pas comme les autres qui trouvera, happy end, le moyen de se venger des flics et autres truands qui lui ont fait bien des misères.
■ La nuit est sale, Dan Kavanagh, Éditions Gallimard, Série Noire, 1981, ISBN : 2070488152
Du même auteur : Tout fout le camp ! - Arrêt de Jeu