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Ruptures d'innocence, Jean Pavans

Publié le par Jean-Yves Alt

Un titre magnifique, une couverture superbe (de David Hockney), deux bonnes raisons de se saisir du premier roman de Jean Pavans. Ruptures d'innocence est le récit, douloureux et précis, d'une rupture amoureuse.

Roland et Dominique se sont rencontrés, se sont aimés, se sont déchirés, se sont séparés. Quoi de plus banal, me direz-vous ? Mais si banalité il doit y avoir, elle réside dans le compte-rendu réducteur que je pourrais faire du livre et non dans l'histoire, déchirante, de ces deux garçons et de leur passion.

Jean Pavans a voulu, au risque d'une certaine complexité que le lecteur dépasse vite, ordonner son roman en trois voies/voix :

■ dans un premier temps, Lazare raconte l'amour de Roland, son ami, pour Dominique ;

■ ensuite, il s'efface pour donner la parole à Roland lui-même

■ avant de la reprendre une dernière fois et de faire en quelque sorte le bilan de cette passion détruite.

Au travers d'un drame à deux personnages, ce sont aussi les convulsions d'un petit monde que Lazare décrit avec un détachement voulu mais pas toujours effectif. Cet univers clos qui s'ordonne (ou se détermine) autour d'une femme tour à tour généreuse et cynique, Hetzel, cet univers a pour noms Maxime, Agathe, Howard, Dorothée, Patricia, Antoine, Hugues...

Une société de la nuit et des rêves, étrangement décalée par rapport au monde ordinaire, «normal»...

Mais le personnage central reste Roland, avec son obsession, Dominique, et sa souffrance, la rupture.

« La rupture n'était que la forme maintenue de son amour, c'est-à-dire de sa plus profonde cohérence. (...) Nous étions les personnages trompeurs malmenés par les convulsions d'un drame. Dominique était le drame même. »

Seuls ceux qui n'ont jamais vécu la douleur d'un amour dont l'objet s'éloigne pourront rester insensibles à l'envoûtement que procure l'écriture de Jean Pavans. Ces longues phrases qui sans cesse explorent l'immensité du désespoir amoureux, cette «rhétorique amoureuse» en forme d'autopsie de la rupture disent parfaitement l'enfermement et l'abandon, la recherche du double, ce jumeau insaisissable.

Mais laissons une dernière fois à Jean Pavans le soin de nous dire, mieux que je ne saurais le faire, son exigence :

«Le filtre de l'obsession sélectionne et organise les couleurs de la réalité», cette réalité qui n'est autre que «l'ordre naturel de cette rupture, rupture du temps, qui précipitait tout un peuple de petits incidents, de souvenirs flottants, de personnes insignifiantes, et d'idées hâtives, dans un monde intemporel».

■ Ruptures d'innocence, Jean Pavans, Editions La Différence, 1993 (Réédition), ISBN : 2729100997


Du même auteur : Le théâtre des sentimentsSauna

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