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Tirésias, l'androgynie et la bisexualité

Publié le par Jean-Yves Alt

Une tradition rapporte que pour mieux assurer leur fonction liturgique les prêtres de Cybèle s'émasculaient au cours de cérémonies religieuses ; parallèlement, des prêtresses pratiquaient l'ablation d'un sein, ou même des deux.

Un bel exemple en est fourni par le cycle mythique racontant les pérégrinations du mage grec Tirésias.

Les Anciens se le représentaient comme un devin aveugle, ayant joui d'une longévité exceptionnelle. Par ailleurs, Tirésias aurait été, pendant un certain temps, transformé en femme, ce qui marquerait à part entière sa dimension androgynique.

Tirésias a perdu la vue parce qu'il a regardé la déesse Athéna toute nue dans son bain : il a donc affronté, bon gré mal gré, la Sagesse dans son aveuglante nudité. C'est là, déjà, une expérience surhumaine.

Il la paiera tout d'abord par la cécité, mais, ce faisant, il acquiert un don de « voyance » qui le place au-dessus des hommes. Si par ailleurs, il devient femme, c'est qu'il a surpris et dérangé l'union d'un couple de serpents : là encore, il s'agit d'un acte réputé dangereux dans de nombreuses mythologies. Tirésias se voit donc infliger un changement de sexe ; mais cette mutilation apparente de sexe lui est plutôt favorable, puisque le devin réalise ainsi l'obscur désir de transsexualisme.

Sa puissance est alors extraordinaire et à son savoir prophétique vient s'ajouter un « savoir érotique » hors du commun : c'est lui qui tranche une polémique entre Zeus et Héra au sujet du plaisir amoureux, leur révélant qu'en ce domaine la femme a neuf fois plus de satisfaction que l'homme.

Mais pourquoi Tirésias a- t-il perdu la vue et que signifie cette punition ? Que vit donc Tirésias surprenant Athéna au bain ?

La tentation est grande de suggérer que ce qu'il vit avait peu ou prou rapport avec la découverte de la bisexualité. Or, si Athéna dissimule farouchement sa dimension de « vierge phallique », c'est peut-être parce qu'on ne peut sans dommage percer le secret d'une Athéna bisexuée.

Tirésias découvrant bel et bien que cet être viril n'est qu'une femme prend également conscience de la fragilité ontologique de l'homme.

La découverte du corps sexué d'Athéna ne s'opère-t-elle pas sur le mode du malaise et de la culpabilité, ce qui expliquerait la cécité de Tirésias, puni en raison de sa trop grande curiosité. Cette punition marquerait le début de la décadence de l'androgyne. Ce dernier perd peu à peu ses prérogatives et devient insensiblement cet être mou et efféminé que l'on méprise.


Lire encore : Tirésia, un film de Bertrand Bonello (2002)

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