Le myrte et la rose, Annie Messina
Un magnifique prince d'Orient, un enfant bientôt adolescent d'une beauté à subjuguer tous les hommes, c'est le pari de ce roman d'amour.
Le myrte est le symbole de la virilité, la rose celui de l'enfance.
Une écriture exaltée et poétique, un thème qui fait fi de la morale, des personnages : princes, guerriers, eunuques et esclaves, tous ces ingrédients astucieusement assaisonnés donnent l'illusion d'un texte venu d'aussi loin que « Les mille et une nuits ».
Le prince Hamid el-Ghâzi, quadragénaire superbe, vigoureux et sensible, découvre un esclave de douze ans prêt à être châtré par l'ignoble marchand Boutros. Il l'arrache à l'infamie. Shahin (c'est le nom que le prince donne au garçon) grandit dans l'amour absolu de son sauveur. Cet amour total fait de tendresse sensuelle et d'adoration est réciproque.
« […] l'enfant était d'une beauté si exceptionnelle, si éloignée de la grossière humanité qui l'entourait qu'on pouvait le croire une créature particulière, tombée d'on ne sait quel monde éthéré au milieu d'êtres totalement différents.
Si l'on ne pouvait douter qu'il fût le résultat de croisements successifs de races, une mystérieuse alchimie avait déterminé la couleur de sa peau, de l'ivoire ancien, chaud, lumineux, à peine plus clair sur la paume des mains et la plante des pieds – c'est souvent le cas chez les personnes de couleur –, mais nuancé d'un rose délicat sur les lèvres et les aréoles des seins, comme dans la race blanche. Tout laissait présager, jusqu'à la gracilité des membres, la future harmonie d'une virilité parfaite.
Une masse de boucles châtain aux reflets d'argent auréolait le front et les oreilles, petites et bien faites – indice d'une noble ascendance – et retombait, trempée de sueur, sur le cou et sous l'arc gracieux des sourcils. Les yeux, obstinément fermés, avaient la forme de l'amande. Des cils épais et courts bordaient les paupières et ombraient plus profondément encore des cernes violets. Le nez droit, aquilin, le menton rond qui terminait la ligne ferme de la mâchoire conféraient de la fierté à ce visage qui sans cela aurait été trop doux. Il haletait, et dans sa bouche plutôt grande, entre les lèvres bien dessinées, ses dents blanches brillaient. » (p. 27)
Hamid fait l'amour avec les femmes de son harem, mais dort avec son protégé. Et le lecteur comprend dès les premières lignes que cette fidélité aux valeurs viriles est une précaution : le prince est fou de son enfant qu'il préfère à son propre fils. Shahin lui-même est éperdument amoureux de son protecteur.
Cet amour suscite la convoitise d'un affreux pédophile qui n'aime que les petits garçons et leur fait subir les plus atroces sévices sexuels. Cet émir rival «veut» cette pièce unique de splendeur physique et morale qu'est l'esclave devenu prince et dont le passé laisse supposer qu'il fut lui aussi enfant de roi.
Grâce à une reconstitution stylistique de bon aloi, Annie Messina se sort victorieuse des embûches de cette scabreuse affaire qui décrit ce qui est tabou en accusant les traîtres et prône un amour qui ne se consomme jamais : Hamid aime Shahin jusqu'à réfréner ses exceptionnelles pulsions de mâle. Tous deux s'engloutissent dans les caresses troubles d'une passion chaste et finissent comme tous les amants occidentaux célèbres, dans la mort qui leur permet d'échapper à la laideur des appétits humains et à la corrosion du temps.
■ Le myrte et la rose, Annie Messina, Editions Viviane Hamy, Collection bis, 2001, ISBN : 2878581393
Lire la préface de René de Ceccatty