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Crustacés & coquillages un film de Olivier Ducastel & Jacques Martineau (2004)

Publié le par Jean-Yves Alt

C’est l’été. Pour la première fois, Marc emmène sa femme Béatrix et leurs deux enfants au bord de la Méditerranée, dans la maison où il passait ses vacances quand il était adolescent. Le Mistral a soufflé, la mer est froide, mais la chaleur de l’été réveille les désirs. Leur fille Laura, 19 ans, attend avec impatience l’arrivée de son petit copain motard qui l’emmènera vers d’autres rivages.

Charly, leur fils de 17 ans, qui ne peut en faire autant, attend Martin, son meilleur ami qui est amoureux de lui. Mais Charly n’est pas attiré par les garçons. Béatrix, sensible au non-dit qui règne entre les deux adolescents, s'imagine que son fils est homosexuel. Sans s'en émouvoir plus que cela, elle en parle à Marc qui semble, lui, plus perturbé par la nouvelle. Et quand débarque Mathieu, l’amant de Béatrix, bien décidé à la convaincre de quitter son mari, tout se complique et se trouble davantage. Les vacances se révèlent plus mouvementées que prévues, et de portes qui claquent en chassés-croisés nocturnes, le destin amoureux de chacun se trouve transformé. Vivement l’été prochain !

Crustacés & coquillages m’a fait un peu penser au départ à l’image d’une certaine publicité familiale pour du café « l’ami du petit déjeuner » sauf que bien vite les apparences de sérénité volent vite en éclats mais sans jamais tomber dans des drames interminables. Donc pas mal de légèreté, un peu de morale - juste ce qu’il faut - , plus particulièrement de la tolérance égrénée tout au long du film par une Valeria Bruni-Tedeschi dépassée par les événements entre un mari finalement gay mais qu’elle aime, un amant idiot mais qui la comble sexuellement, et surtout un fils - elle regrette presque qu’il ne soit pas homo - qui refuse avec véhémence le désordre amoureux des adultes :

« On fait ce qu'on peut ! » lui hurle-t-elle, à la fin. « Attends d'avoir notre âge et d'avoir vécu avant de donner des leçons ! »

Une comédie apparemment futile mais qui pose un regard juste sur les relations dans une famille.


ENTRETIEN avec Olivier Ducastel et Jacques Martineau

Considérez-vous Crustacés & coquillages comme un film gay ?

Jacques Martineau : Ce que les Américains appellent "gender studies" est méprisé en France. Si bien que, dans l'espace du cinéma français, le concept de film gay n'est pas clair, et Crustacés & coquillages n'est sans doute pas un film gay. En Amérique du Nord, c'est différent, il y a une industrie du cinéma gay. Avec tout ce que cela comporte de bons et de très mauvais côtés.

Vous jouez sur les codes d'un cinéma hétéronormé, mais vous y introduisez des figures qui en sont traditionnellement absentes.

Olivier Ducastel : Incontestablement, Drôle de Felix est un film gay, ne serait-ce que parce que son personnage principal est gay. Dans Crustacés & coquillages, il y a deux personnages principaux, Marc et Beatrix, qui offrent chacun une entrée possible, dont une n'est pas gay.

J. M. : Cela me fait penser à la manière dont a été reçu notre film précédent, Ma vraie vie à Rouen, rejeté par les circuits et globalement perçu en France comme un film gay. En revanche, dans les festivals gays internationaux, le public a reproché au film de n'être pas assez gay. Nous partons du fait que nous appartenons à cette communauté, qu'il y a une nécessité de représentation des gays dans le cinéma. Nous cherchons à en bousculer les codes, mais, quand j'écris un film, je ne le pense pas dans ces termes-là. Je ne prends conscience des choses qu'une fois le film terminé, avec les réactions qu'il suscite. Pour moi, Crustacés & coquillages était un film très innocent.

Qu'est ce que le cinéma gay ?

O. D. : Dans La Femme d'à côté (1981), il y a un très joli personnage de gay, qui est représenté exactement sur le même plan que tous les autres. A l'époque, cela m'avait particulièrement ému. Il y a d'autres beaux personnages de gays chez Truffaut. Est-ce que ce sont des films gays ? Non, bien sûr, la question ne se pose pas, parce que c'est Truffaut. Je pense pourtant que ce sont des films pour les gays.

À quoi servent selon vous les festivals de films gays ?

J. M. : À Paris, où l'on voit la plus grande partie du cinéma mondial, le festival montre des films très intéressants, mais plutôt hors normes. À Toronto, San Francisco, Los Angeles, l'éventail est bien plus large. Cela va de l'expérimental underground jusqu'au Placard. Ces festivals énormes sont des rampes de lancement. C'est grâce à eux que Drôle de Felix s'est retrouvé classé neuvième film français aux Etats-Unis. Pour moi, l'idéal du festival gay, c'est Berlin : un jury gay attribue les Teddy Awards. Beaucoup en contestent la légitimité, mais c'est exactement la même que celle d'un jury oecuménique.

Entretien paru dans Le Monde, Propos recueillis par Isabelle Regnier, 30 mars 2005

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