Albucius de Pascal Quignard
Pascal Quignard « invente » ou recrée cinquante-trois romans érotiques romains, abandonnés dans la nuit de l'oubli pour des raisons hélas morales.
Nous sommes sous la dictature de César, au début de l'empire : un personnage étrange et captivant de ce temps, romancier lui-même, Caius Albucius Silus, nous entraîne dans le dédale de sa vie insolite.
Structure astucieuse et intelligente où s'entrecroisent les images essentielles d'une vie et les « faits divers » légendaires, source sans fond de la création romanesque. Ce sont de courtes intrigues apparemment livrées à l'état brut mais leur densité n'est que l'effet d'une écriture qui jamais ne s'écarte du courant narratif, épurée de toutes les scories inutiles.
Le sang, l'horreur, le sexe, sont au rendez-vous. "Enigmes policières et intrigues sadiques", "Romans homosexuels et romans de débauche" sont deux exemples de titres.
« Un jeune homme avait un joli visage et de beaux yeux noirs. » Ainsi commence l'histoire du "Jeune homme violé". Mais au-delà de « contes » étonnants de liberté c'est le brusque dévoilement des zones interdites de la psyché : le frère jumeau, l'attrait des garçons, l'amour paternel trouble, les exigences maternelles et, tout au long des évocations, l'image obsédante d'Albucius qui se suicida, mourut « en tenant serrée entre ses mains la main de la nourrice qu'il payait pour son lait. Chaque matin, elle trayait sa mamelle au-dessus d'un bol. Il buvait tiède. »
Un homme vulnérable et indépendant qui aurait dit avant d'abandonner la terre : « Je commence un silence que je ne finirai pas. »
Pascal Quignard a su ressusciter ce silence et en prolonger le mystère dans un style magnifique de simplicité et d'élégance.
■ Albucius de Pascal Quignard, Editions Gallimard/Folio, 2004, ISBN : 2070313557