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Une curieuse croix à Drignac (Cantal)

Publié le par Jean-Yves Alt

La route départementale 29 relie Ally à Drugeac en traversant le bourg de Drignac. Au carrefour de la route départementale 129 qui se dirige vers la gare de Drignac, se trouve un calvaire insolite.

Il se compose de trois éléments superposés : le socle, le fût cylindrique et la croix, tous grossièrement taillés dans la pierre volcanique du pays.

Ce n'est pas l'importance du monument qui retient mon regard [sa hauteur, socle compris, se limitant à 2,50 m environ] mais sa décoration insolite.

Sur l'avers de cette croix se présente Jésus crucifié. Sa silhouette est brièvement stylisée. Les bras sont maigres et longs, tendus à l'horizontale. Ils s'achèvent par des doigts écartés en étoiles. Le torse est raide et rond, la partie basse du corps manquante. Le crâne est oblong et nu. Les yeux se présentent sous la forme d'un relief ovalisé, creusés en cupule.

Le résultat, pour naïf qu'il soit, s'impose à moi et m'émeut par sa rusticité même. Le tailleur qui a réalisé cette croix avait-il une prétention artistique ? Pas sûr, pourtant le résultat est des plus touchants.

Le revers de la croix est plus étrange encore. Du haut en bas du montant central, une silhouette se détache en réserve, cernée par la profonde entaille qui la cerne. Il semblerait ici, au premier regard, qu'un homme se tienne debout, ses deux énormes mains jointes sur l'abdomen. La tête ovoïde est plus grande que nature avec des yeux exorbités.

Ce corps schématisé à outrance, laid même, m'impressionne. Quel personnage voulait donc représenter le tailleur de pierre ?

Des hypothèses peuvent être avancées :

● L'aspect de cuve, conséquence de la taille en réserve, n'évoque-t-il pas un tombeau ? Ne serait-ce pas alors la représentation du Christ après son ensevelissement ?

● Ce pourrait être aussi le patron de la paroisse, généralement représenté au revers des croix. Dans ce cas, il s'agirait de saint Babylas, fêté le 24 janvier et bien oublié de la chrétienté d'aujourd'hui, même si elle lui fut fidèle pendant des siècles. Ce patriarche d'Antioche gouvernait son Eglise vers l'an 238. Quand Dèce devint empereur en 240, il prit ombrage des progrès de la religion nouvelle et, par un édit de 250, porta l'interdit contre elle : mesure qui ouvrit l'ère des persécutions. Il fallait désormais adorer à jour fixe les empereurs divinisés et les divinités du panthéon romain. De la prison, les récalcitrants allaient vers l'exil, la confiscation des biens ou la mort. Babylas eut la tête tranchée. Ainsi, c'est peut-être saint Babylas que le tailleur de pierre a représenté couché dans la tombe, en la nudité de son martyre, les bras allongés et les mains jointes.

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