Homosexualité : «Le jour où j'ai su» (2)
Pour certains, c’est une évidence de toujours. Pour d’autres, elle a surgi brutalement, au détour d’une relation qui ne leur convenait plus. Des hommes et des femmes nous racontent comment ils se sont découverts homosexuels. Analyse et confidences dans le magazine Psychologies n°242 de Juin 2005.
EXTRAIT :
« Le jour où l'on sait ? La réponse se trouve sans doute dans l'œuvre de Melanie Klein, pour qui la sexualité est inscrite dans le foetus ; une théorie, d'après moi, bien plus audacieuse et innovante que celle de Freud... Personnellement, je pense que c'est une fausse bonne question, parce qu'on le sait depuis toujours. Je sais que je l'ai toujours su. Mes premières relations sexuelles, je les ai vécues très jeune et avec des femmes. Non parce que je me sentais "contraint" d'être hétéro. Simplement, ce sont ces occasions-là qui se sont d'abord présentées à moi. Mais ceci sans que j'aie le moindre doute quant à ma véritable sexualité. Et même si, au cours de ma vie, j'ai eu quelques expériences hétérosexuelles, pas une seule fois je n'ai pensé devenir hétéro. Je suis bien persuadé que l'homosexualité est un fait inné. Certains vous diront peut-être : "Cela a longtemps été flou dans ma tête" ou "J'ai été hétéro pendant des années, heureux avec ma femme et nos enfants, puis tout à coup..." Pour moi, ce ne sont que des mots, c'est de la littérature à laquelle je ne crois pas du tout.
Pour la même raison, il m'est impossible de citer un événement qui m'aurait "subitement" rendu la chose évidente. Lorsque je me suis retrouvé dans des situations qui auraient pu avoir un tel effet, il y avait déjà bien longtemps que je savais. Par exemple, quand j'ai lu, à 16 ou 17 ans, Les Amitiés particulières de Roger Peyrefitte, cela ne m'a rien appris de moi. Pas plus, je pense, que Le Rouge et le Noir ou bien La Chartreuse de Parme n'apprennent à un ado qu'il est hétéro.
Ce qui me déplaît avec cette question, c'est qu'elle laisse penser que l'homosexualité serait un cas à part. Arrêtons avec cela. ! Il y a des homos et des hétéros, comme il y a des gauchers et des droitiers. Il se trouve que je suis gaucher. Naturellement, je n'ai jamais eu de doute sur le fait que je me servais mieux de ma main gauche que de ma main droite. Et il s'avère que dans notre société, il y a plus de droitiers que de gauchers. Il y a également beaucoup de gauchers contrariés. Mais même ceux-là, j'en suis bien certain, savent pertinemment qui ils sont vraiment et ce, depuis toujours.»
Pierre Bergé, Directeur de la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint-Laurent