L'échange, Alan Brennert
Richard est resté fidèle à ses rêves de jeunesse : c'est aujourd'hui un acteur talentueux et reconnu. Mais il le paie d'une solitude qui lui pèse parfois, malgré les amis et les amantes, et par l'échec de sa vie privée.
Dans un univers parallèle, Rick a fait le parcours inverse : il a renoncé à ses ambitions pour épouser Debra et devenir un employé d'assurances dont la vie est « guidée par l'inertie plus que par le désir ».
Certes, le « baume du remords nous donne un pouvoir illusoire sur ce qui n'est plus, sur le cortège des circonstances tragiques ». Mais si c'était à refaire ?
Rick et Richard se trouvent un jour face à face et décident de faire un pari fou : passer d'une réalité alternative à l'autre pour retrouver cette partie d'eux-mêmes qu'ils ont sacrifiée, l'un à la réussite professionnelle et l'autre à l'amour.
Richard accepte ainsi « un travail routinier qui vous engourdit, vous vide de vos idées et votre inspiration, vous réduit à n'être guère plus qu'une marionnette », en échange de l'épouse et des enfants qu'il n'a pas eus. Rick abandonne une famille que ses frustrations détruisaient peu à peu pour la carrière artistique qu'il attend de toute son âme. L'échange ! La vraie vie !
Est-ce si sûr ? Et si le « monde parfait » que chacun espère était « simplement un monde différent, à sa façon, un monde tout aussi triste et tout aussi fragile » ?
"L'échange" fait le portrait d'Appleton, une « petite ville très provinciale, à l'esprit étriqué », où l'on prenait Richard « pour un malade ou pour une "tante", parfois les deux ». Il nous plonge avec chaleur dans l'univers parfois artificiel mais souvent chaleureux des artistes new-yorkais.
Alan Brennert laisse passer la silhouette émouvante de l'acteur John Danker, ami de Richard « dont le compagnon était mort du sida » et qui « lui-même vivait dans l'ombre de la maladie ».
"L'échange" me touche parce que ses personnages se posent les questions qui agitent tout être humain, et parce que l'auteur refuse la froideur clinique de la démonstration pour y mettre beaucoup de lui-même et laisser deviner quelques douloureux éléments d'autobiographie, tant il est vrai que si
« on se sert de la souffrance pour créer... on se sert aussi de la création pour assimiler la souffrance ».
Après l'échange, Rick et Richard sortent profondément transformés, convaincus qu'il n'y a jamais de certitude dans une vie, sinon être soi-même.
■ L'échange, Alan Brennert, Editions Gallimard/Folio SF, 2003, ISBN : 2070419738