Le miracle de la sainte chandelle à Arras
Dans la nuit du 24 au 25 mai 1105, une femme vêtue de blanc apparaît à deux trouvères, Itier et Norman. Ces deux musiciens entretiennent une haine profonde depuis que Norman a tué le frère d'Itier. Mais cette nuit-là, une mystérieuse créature féminine leur intime de se rendre à la cathédrale d'Arras où 144 personnes agonisent du mal des ardents (intoxication à l'ergot de seigle), une maladie mortelle qui frappe l'Europe du Nord.
Quelques heures plus tard, une nouvelle apparition. La femme, cette fois, tient un cierge qu'elle s'apprête à leur remettre. Mélangée à de l'eau, sa cire guérira les malades qui boiront ce breuvage avec foi. Elle ordonne aux deux trouvères de s'associer l'un à l'autre pour accomplir sa mission. Les deux hommes doivent se réconcilier.
Après moult revirements, les deux ménestrels acceptent de prier ensemble dans la cathédrale d'Arras. La Vierge leur remet alors le cierge miraculeux et les malades sont sauvés.
C'est la scène que décrit ce tableau.
Depuis le XIIe siècle, le miracle de la sainte chandelle est raconté par l'histoire locale. Ce triptyque, réalisé aux XVIe et XVIIe siècles, a le sens de la morale : il n'y aurait pas eu de miracle si Itier et Norman ne s'étaient pas réconciliés. Foi et pardon, deux notions ici mises en scène. Au premier plan, de nombreux malades sont guéris, sauf un homme qui, ayant d'abord refusé l'eau miraculeuse, meurt de n'avoir pas cru à temps.
Ce que je trouve de fabuleux dans ce tableau anonyme, c’est l’attirance irrésistible de l'œil vers le fond de ce tableau d'une profondeur impressionnante. Comme par le trou d'une serrure, le spectateur est « transformé » en voyeur et est projeté dans la scène du miracle en pénétrant à l'intérieur de la cathédrale pour y surprendre Itier et Norman, les deux trouvères jadis ennemis, réunis en prière et recevant les rayons généreux d'une Vierge entourée d'anges et d'une mandorle, cette auréole en amande.
■ Une autre version de la légende : Poème en XVIII chants par l’abbé H.-J. Du Laurens (1765)