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Les maîtres du jeu, Mark Costello

Publié le par Jean-Yves Alt

Repli sur la peur et l’individualisme, faute de pouvoir inventer un avenir commun.

Un grand roman qui ne table ni sur les effets épatants, ni sur la séduction facile. Les maîtres du jeu, ne joue pas plus du suspense que de la peur, encore moins des bons sentiments. Autant dire une fiction âpre, austère et volumineuse et qu’il serait pourtant dommage de ne pas ouvrir.. Car le lecteur qui aura franchi ses pages se trouvera enrichi et plus à même de comprendre le monde qui l’entoure. Particulièrement les raisons de cette passion sécuritaire qui gagne chaque jour du terrain !

Mark Costello met en scène toute une série de personnages qu’il va d'abord présenter un à un et dans le détail. Des hommes et des femmes minutieusement décrits, chacun avec sa vie, son âge, ses origines, ses manies. Certains ont connu l’époque du Vietnam quand d’autres, beaucoup plus jeunes, font leurs premiers pas dans le monde des adultes. Certains sont des amants passionnés, d'autres de paisibles pères de famille qui ne pensent que pêche à la ligne et rôtis dû dimanche. Tous portent un peu de l’Histoire de leur pays, les Etats-Unis.

On va faire leur connaissance. Puis s’orienter vers une scène finale dans laquelle chacun jouera son rôle. C’est parce que l’on connaît parfaitement les protagonistes, que l’on saura apprécier leur responsabilité à cet instant-là et juger de leurs réflexes. Tout est organisé autour d’un homme, le Vice-Président des Etats-Unis en campagne électorale. Une fonction plus qu'un individu. Une silhouette que l’on voit évoluer de loin. Le seul dont on ne s’approche pas. À la différence des autres personnages, dont certains sont membres des services de sécurité américains et chargés de sa protection rapprochée, d’autres, de simples supporters, d’autres encore, conduits là presque par hasard.

Ce qui compte ici, c’est de comprendre la mécanique de la peur, de la démonter et de l’analyser. Comprendre pourquoi la paranoïa, comportement hier considéré comme pathologique, est devenue une norme pour les Etats. Le prétexte à se refermer, s’armer, pour se protéger d’éventuelles attaques extérieures qu’elles soient réelles ou fictives : les terroristes, l’âge, les microbes ou les migrants.

Il fallait un lien narratif à cette histoire. L’auteur le trouve dans une famille. Dès les premières scènes, il en revient aux années passées, paisibles, d’une Amérique sûre de son avenir. Il montre le père rassurant et les enfants confiants. À lui seul, cet homme représente l’autorité, la cohésion sociale. Un socle de certitudes qui disparaît avec lui. Ses enfants, incapables d’inventer des règles nouvelles, passent du collectif à l’individuel. La fille devient agent de sécurité. Son fils, génie des mathématiques, se recycle dans la conception de jeux vidéos, «de vrais oléoducs à pognon». L’auteur reprend dans ce roman la question de l’évolution de nos sociétés.

■ Les maîtres du jeu, Mark Costello, Éditions Actes Sud, Collection : Lettres anglo-américaines, mai 2005, ISBN : 2742753303

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