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Saint Sébastien soigné par sainte Irène, peinture de Trophime Bigot (?)

Publié le par Jean-Yves Alt

Une scène d'une concentration inouïe : une femme, pour mieux éclairer la délicate opération de sa maîtresse, s'appuie de la main droite sur son épaule et tend un lampion de papier huilé dans sa main gauche. Les deux femmes ne regardent que la plaie, peut-être la dernière, car s'il demeure à proximité la trace d'une extraction, on ne distingue plus aucune flèche.

On peut supposer qu'elles sont arrivées auprès de l'homme depuis un long moment et qu'elles ont déjà retiré toutes les autres flèches.

L'homme, c'est Sébastien : il est retenu debout par des liens. Il a une sorte de défaillance extrême, lisible - en prolongement de son visage - dans celui des deux femmes : nul effroi, nul renoncement intime de leur part.

La maîtresse, c'est sainte Irène et l'autre femme, sa suivante : elles espèrent, qu'en retirant les flèches elles écarteront la mort de Sébastien.

Irène appuie sa main gauche sur le corps de Sébastien, de son pouce elle tend la peau tandis que de sa main droite elle retire la flèche avec d'infinies précautions. L'action du pouce vise précisément à déchirer moins la chair. Le sang coule peu. Seul est taché le tissu qui ceint le corps.

Sébastien n'est pas encore mort : il sent d'une façon mystérieuse et sans ouvrir les yeux - il n'en a plus la force - que quelqu'un efface l'horreur par la douceur et l'amour agissant.

Quelqu'un, une femme, essaie de rétablir l'intégrité de ce corps.

Saint Sébastien soigné par sainte Irène

peinture à l'huile - vers 1620 - 170 x 130 cm

Trophime Bigot [attribution incertaine] Arles 1579 - Rome 1649

Musée de Bordeaux

C'est le personnage de la suivante qui donne à cette peinture sa dimension contemplative. Elle semble prise dans un songe sans pour autant être inattentive. Sa beauté est moins raffinée mais aussi plus émouvante que celle d'Irène qui a le maintien d'une sainte occidentale. La suivante vit le drame sur un autre plan que sa maîtresse : si quelqu'un convoite le corps de Sébastien, son extase amoureuse profane, c'est elle.

Le lampion de papier huilé, seule source plausible de lumière, est à l'image d'une coupe qui dispenserait l'ivresse. Quand Irène retirera la dernière flèche et qu'elle aura dénoué les liens, Sébastien tombera - comme ivre - dans ses bras puis dans leurs bras à toutes deux : il leur restera à essayer de le ramener à la vie.

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