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Mon regard sur le martyre de saint Sébastien peint par Giovanni Cariani

Publié le par Jean-Yves Alt

Nous sommes au théâtre. Sébastien vient de faire son entrée. Comme le montre la position de ses pieds, Sébastien entre en scène comme un danseur.

Il est suivi, on ne sait pourquoi de Sainte Marguerite et de sa tarasque, monstre dévorant. Sainte Marguerite n'a pourtant rien à faire ici. Elle ne fait pas partie du trio féminin de saint Sébastien : Zoé, Irène, Lucine : celle à qui il a rendu la parole, celle qui l'a soigné et sauvé après avoir été transpercé de flèches, celle à qui il est apparu pour lui demander d'enlever son cadavre du grand égout de Rome, le cloaca maxima.

Sébastien : ses boucles blondes, admirables, encadrent son visage au teint rose, aux yeux mi-clos, au nez parfait. Deux flèches seulement l'ont atteint en des endroits sans danger, la cuisse et le bras : serait-il vrai que sainte Irène ait payé les archers pour qu'ils ne visent pas les endroits mortels ? Le bras droit levé au-dessus de la tête montre une aisselle fournie et tentante.

Qu'il est beau ce jeune homme. Il n'est ni l'adolescent au regard "vicieux" de Bellini (dans le tableau La Vierge et l'Enfant entre saint Pierre et saint Sébastien, Musée du Louvre, vers 1487), ni le tragique homme à la noble violence érotique de Mantegna. C'est un jeune homme, ou un homme jeune si l'on préfère, au torse bien dessiné, aux jambes admirables, à l'abdomen un rien trop nourri, à la poitrine prometteuse.

Une certaine aristocratie se dégage de lui et j'y suis sensible. Bien que théâtral, ce Sébastien de Cariani est élégant jusque dans la souffrance.

Saint Sébastien entouré de saint Roch et de sainte Marguerite

Giovanni Cariani (vers 1480, 1547/49 ?), peinture à l'huile

Musée des Beaux-Arts de Marseille

A regarder de près son visage, ce n'est pas exactement la souffrance que je lis : aucun Sébastien d'ailleurs, n'est à ce propos réaliste. Ce serait davantage une sorte d'extase même si elle n'atteint pas celle de la sainte Thérèse du Bernin (sculpture en marbre, hauteur : 3,50 m, chapelle Cornaro, Santa Maria della Vittoria, Rome, 1644-1652) à moins qu'il s'agisse d'un plaisir masochiste.

Marguerite donne l'impression qu'elle est l'habilleuse de ce théâtre qui a suivi la vedette au-delà du portant pour arranger, in extremis, un détail du costume.

A gauche, côté jardin, il y a saint Roch dont la présence ne sert qu'à rappeler le rôle anti-pesteux de Sébastien. Son brave chien, indifférent à ce qui se passe, attend sa pâtée avec un air attendrissant.

Au-delà de cet entourage banal, mi réaliste mi allégorique, il y a surtout Sébastien. Qui oserait se draper de ce pagne noué en «œuf de Pâques» et qui, lourdement tombe à terre, contrariant l'élégance du supplicié ?

Et pourtant si ce nœud n'existait pas, si Sébastien était représenté en invité académique, il serait moins troublant : ce pagne permet de laisser vagabonde mon imagination.

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